Bonjour,
Lucien Bodard et sa femme Mag débarquent en Indochine fin 1946, à la demande dun certain Oudard, directeur de "France-Illustration", à qui Mag a finement suggéré un numéro spécial. Chose étonnante, Thierry D'Argenlieu, haut-commissaire en Indochine couvrira une partie des frais d'un voyage long et onéreux... Comme l'écrit Olivier Weber : "Lucien ne peut qu'accepter, mais il se jure de garder tout son pouvoir critique." (p.305) On verra qu'il y parviendra, se mettant à dos certains colonels du Corps expéditionnaires au comportement de féodaux dans l'Indochine en rebellion...
Avant de partir, Bodard a pris la température auprès de quelques intellectuels vietnamiens à Paris : il perçoit des changements dans le ton. Ce n'est plus le discours des collaborateurs de l'Indochine à papa, mais bien celui de nationalistes, marxistes ou non, réclamant l'indépendance.
Mais "Bodard se veut d'abord un reporter au long cours. Il lui suffira de regarder, d'explorer, de chercher à comprendre. Sans parti pris ni préjugés."(p.305) Toutes choses dans lesquelles Lulu le Chinois, dont la mémoire est pleine de souvenirs d'une enfance vécue dans une province chinoise proche de l'Indochine, excelle.
Le 19 décembre 1946, Vo Nguyen Giap avait lancé son terrible mot d'ordre : "J'ordonne à tous les soldats et miliciens du Centre, du Sud et du Nord d'anéantir les envahisseurs et de sauver la nation." Et des massacres de civils eurent lieu. 200 Français y perdirent la vie. Le Corps expéditionnaire entame alors la reconquête par une répression brutale et parvient à libérer les quartiers européens d'Hanoi. Les cadres vietnamiens prennent le maquis et Hô Chi Minh quitte sa résidence d'Hanoi. La ligne préconisée par Jean Sainteny est remise en cause. C'est la ligne dure de D'Argenlieu qui l'emporte. Ce sera la guerre.
Voilà la situation quand Bodard arrive.
Il va rencontrer des confrères : Philippe Devillers, André Blanchet et bien sûr Jean Lacouture qui, ayant saisi l'opportunité d'interviewer les deux chefs marxistes nationalistes, bluffe un peu Bodard... Mais il faut dire que lorsque Lacouture a interrogé les deux chefs communistes, ils n'étaient pas encore entrés dans la clandestinité. Dans cette période qui suit les émeutes et la répression, Bodard ne rencontre pas Giap et Hô qui sont forcés de se cacher.
Après quelques discussions, Lucien Bodard "acquiert bienvite la conviction que les jours de l'Indochine française sont comptés." (p.309)
A suivre...
Cordialement,
René Claude
PS : Je conseille à celles et ceux qui sont passionnés ou simplement curieux de cette guerre d'Indochine de suivre, s'ils ont le temps, les reportages rassemblés par Bodard dans sa "Guerre d'Indochine" et, en même temps, l'évolution du reporter dans cette guerre terrible rapportée par son biographe Olivier Weber. |