Ce livre est à rapprocher de ceux sur l'orchestre rouge puisqu'il devient de plus en plus apparent que le chef de la resistance allemande (le "Werther" tant recherché si l'on tient à personnaliser ce fantastique réseau) dont les tentacules couvraient tous les appareils politiques, militaires et policiers allemands, en Allemagne et dans les pays occupés.
Son incroyable réseau faisant fi des convictions politiques qui étaient siennes, transmettait par la Suisse (surtout après les démantèlements de 1942 en Belgique, en France, en tchécoslovaquie et en Allemagne) des informations fiables essentielles tant aux alliés à l'ouest (Britanniques par l'embassade à Berne et Américains par Allen Dulles) qu'aux soviétiques (grâce au réseau initié par "Sonia" et confié ensuite à "Rado".)
J'ai reconstitué une partie importante de cette pieuvre avec ses ramifications, modes de fonctionnement et problèmes. Les sources de Roessler ne sont pas aussi obscures que les amateurs de sensationnel le prétendent, pas plus que les sources de ces sources, mais le réseau ne passait pas que par Roessler... En fait il ne se concentra massivement sur la Suisse qu'après la destruction des réseaux de Harro Schulze-Boysen, Arvid Harnack et Hans Coppi tous reliés à la façon d'une fourmilière au Général Oster, la main exécutive de l'amiral Wilhelm Canaris
Agacé par les mythes créés par les uns ou les autres sur l'Orchestre Rouge en Suisse, j'ai passé, avec quelquess moyens, des décades à en rechercher les sources et leurs cheminements dans les révélations des acteurs en Suisse bien sûr, mais aussi auprès des tortionaires qui les pourchassaient depuis l'Allemagne, de ceux qui les nourrissaient en informations, des bénéficiaires de ces informations (Anglais, Américains, Français, Espagnols, Portugais, Suédois et Soviétiques)
Tout cela constitue une incroyable pyramide tentaculaire (analysée et recoupée sur plus de mille pages de notes) dont le sommet et l'impulsion sont sans conteste
Canaris, une personalité discrète, à l'intelligence fluide, modeste, profond, passionant, et poursuivant une ligne de fond très cohérente et simple au travers de manoeuvres extrêmement complexes le contraignant à des relations sociales amicales avec des ennemis non moins intelligents et terriblement dangereux comme Heydrich et Schellenberg.
Les nazis ne s'y sont pas trompés puisqu'Huppenkhoten, au nom de ses maîtres, l'a garroté avec une cruauté extrême en s'y appliquant cyniquement à deux reprises pour que l'Amiral ait à bien sentir la souffrance dans son agonie... alors que la guerre était déjà clairement et irrémédiablement perdue et que les himmler, kaltenbrunner et schellenberg se cherchaient des "cautions" mensongères pour négocier leur propre avenir auprès des alliés.
Je veux m'incliner ici devant
l'Amiral Canaris, un vrai héros de l'ombre, digne du Lorenzaccio de Musset... en mieux.