Bonsoir,
A la Libération, le gouvernement provisoire du général de Gaulle abolit, par une série d'ordonnances, la législation antijuive de Vichy. Les Juifs sont à nouveau en France des citoyens à part entière. La loi édicte la restitution des biens juifs "aryanisés"; elle considère comme pupille de la nation les enfants orphelins de parents juifs déportés d'origine étrangère; elle réintègre les fonctionnaires révoqués... La France redevient terre d'accueil.
Dans la réalité qu'en fut-il ?
La rapatriement des rescapés des camps d'extermination se déroula souvent de manière chaotique. Par ailleurs, rien n'incite les autorités à distinguer les Juifs des autres rescapés. Pendant plusieurs années après la Libération, les témoignages, les partis, la législation, convergent dans la détermination à faire des Juifs des martyrs du nazisme parmi d'autres. Les Juifs sont revenus des camps aux côtés des non-juifs et sont considérés comme des résistants. Les Juifs eux-mêmes, qui ont payé plus que les autres, ne veulent pas se distinguer des autres victimes du nazisme, dont la patrie française réintègre les survivants sans hiérarchie. Comme les autres Français, les Juifs sont morts "pour la France".
Cette attitude comportait le risque d'occulter ou d'amenuiser la spécificité de la déportation juive et la réalité du génocide.
L'occultation du génocide est confirmée par la loi. Le 11 mai 1945, une ordonnance est promulguée concernant les déportés survivants qui reviennent ne France. L'expose des motifs ne fait nulle mention des déportés juifs. Le 4 mars 1948, une proposition de loi vise à promulguer un statut des "déportés et internés de la Résistance". La question est posée d'établir ou non des catégories entre déportés et internés. Au cours du débat, le Parti communiste met en garde l'Assemblée nationale "contre le danger de créer des distinctions arbitraires entre les déportés et les internés politiques". Selon un député communiste, Auschwitz fait partie d'un système concentrationnaire au même titre que les autres camps, où ont été internés droits communs, politiques, résistants, juifs .... confondus : le camp d'extermination n'est pas distingué du camp de concentration.
Finalement, deux lois, celle du 8 août et celle du 9 septembre 1948, définissent réciproquement la statut et les droits des déportés et internés de la Résistance, et ceux des déportés et internés politiques. Les déportés juifs sont assimilés aux déportés politiques, distingués des prisonniers de guerre et des travailleurs sur STO.
Bref, la déportation des Juifs est fondue dans une définition "politique" qui ne rend nullement compte de la Solution finale. Nous sommes pourtant en 1948, l'information sur les camps de la mort existe, mais non la conscience réelle de la volonté nazie d'exterminer les Juifs et les Tsiganes.
Bien cordialement,
Francis. |