Le livre d'Adam Tooze, dont il devient difficile de se passer lorsqu'on cherche à avoir une vue globale du conflit mondial, insiste sur le fait qu'avec l'entrée en guerre des États-Unis, le rapport de forces économique devient irrémédiablement favorable aux Alliés (USA, URSS, UK) dont la somme des PIB est 2,4 fois plus importante que celle de l'Axe (Allemagne, Italie, Japon) en 1941. Le ratio atteint 3,1 en 1944.
Tooze, p.610:
«Les conquêtes allemandes du début de la guerre contribuèrent certainement à compenser ce handicap. Une mobilisation des ressources étrangères, notamment en France, était un des atouts dont Speer s'efforça de faire bénéficier l'effort de guerre allemand dans l'automne 1943 [...] En 1943, dernière année pleine de l'Occupation, les livraisons combinées à l'Allemagne de matériel militaire de la France, de la Belgique, des Pays-Bas, du Gouvernement général, du Danemark, de la Norvège et de la Serbie ne dépassèrent pas 9,3% de la production d'armements. Les territoires occupés n'apportèrent une contribution notable à l'équipement militaire allemand que pour les chantiers navals, les matériels de communication et les véhicules motorisés [...] En 1943, le montant des livraisons de l'Europe occupée, 4,6 Mds de Reichsmarks, peut être comparé à celui des livraisons des USA à la Grande-Bretagne, environ 20 Mds de Reichmarks [...] Compte tenu de la productivité désespérément médiocre dans les territoires occupés, le programme de main-d'œuvre étrangère est incontestablement la contribution la plus importante de l'Europe occupée à l'effort d'armements de l'Allemagne.»
Remarque: Tooze tire beaucoup de ses chiffres de l'historien est-allemand Dietrich Eichholtz (Geschichte der deutschen Kriegswirtschaft 1939–1945, 5 volumes, 1969-1996). Je ne connaissais pas Eichholtz.
Ceci permet de relativiser le point de vue de Sauvy (1978), p.109:
« L'examen de ces quatre années douloureuses montre que, sur le plan économique, l'exploitation systématique des richesses françaises a été, pour l'Allemagne, une réussite remarquable, comme on n'en n'avait guère vu depuis l'exploitation de l'Angleterre par Guillaume le Conquérant.»
Emmanuel |