Bonsoir,
Je me suis demandé quelles étaient les raisons du succès populaire des biographies (et multi-biographies) de Jean Lacouture.
De Malraux à Montesquieu, ses lecteurs attendent avec impatience et gourmandise "le prochain Lacouture", comme on espère le prochain épisode d'une fabuleuse saga où se mêlent étroitement l'histoire des peuples et les trajectoires des "grands formats" dont l'auteur choisit de nous raconter la vie et les engagements.
Cela fait trente ans que ça dure et les livres de ce grand reporter à la fibre anticolonialiste devenu écrivain exigeant sont tout autant appréciés des chercheurs en sciences humaines qui planchent sur des sujets pointus que des lecteurs "normaux". Il y a chez cet écrivain-biographe un mélange d'empathie revendiquée régulièrement par l'auteur lui-même, d'humanisme parfois blessé lorsque certaines illusions progressistes sont balayées par la violence de l'histoire et un style que ses cohabitations successives avec quelques unes des plus belles plumes des lettres françaises ont agréablement patiné.
Portraitiste talentueux, il sait en quelques ligne poser un des protagonistes de son sujet d'étude, qu'il s'agisse d'un écrivain de la NRF ou d'un ministre du général de Gaulle.
A propos de ses "manques", des historiens lui reprochent de ne pas assez s'appuyer sur les archives:
"Je ne suis pas un bon chasseur de documents, mais quand je les tiens, je sais les mettre en musique."(p.167)
Une note personnelle :
Alors que j'étais en train de l'interroger sur Nasser dans son bureau des éditions du Seuil, l'enregistreur numérique de la Radio suisse eut un bbvvzzz avant de s'éteindrelamentablement. Jean Lacouture lorsqu'il séjourne à Paris a un emploi du temps très chargé et pourtant il me laissa téléphoner à Genève, demander des conseils techniques et reprendre l'entretien après nous être retrouvés à quatre pattes sous son bureau à la recherche d'une banale prise pour brancher le sony dont les batteries étaient vides... et ainsi terminer l'entretien. "J'ai aussi connu pas mal d'ennuis avec ces engins... !" m'avoua-t-il pour me mettre à l'aise. (il passa assez vite à un tutoiement confraternel, une pratique que je n'osai pas lui retourner.)
Cordialement,
René Claude |