Je ne pense pas qu'il y ait une grande divergence de vue entre les deux hommes, seul les moyens et leurs mises en oeuvres different.
Dans l'accord du 6 mars, parlant de la republique du Vietnam, il est fait etat d'un pays libre dans le cadre d'une federation Indochinoise en devenir; la Cochinchine devant scellee son sort par referendum, referendum qui n'eut jamais lieu. D'Argenlieu, en tant que haut-commissaire, suivait les directives de Paris. Avec le depart du general de Gaulle du pouvoir, fin janvier 1946, il fut laisse dans l'expectative sans lignes directives claires. Il continua alors d'appliquer les instructions politiques du 8 septembre 1945 preconisant le retour d'un regime de "protectorat" ecartant le terme meme de toutes conversations et ecrits eventuels. Il precise aussi:"nous ne pouvons pas davantage parler d'independance. Nous n'y sommes pas autorises par le gouvernement. L'independance au reste, supposerait que la maturite politique et les moyens d'action qu'il s'agit precisement d'acquerir soient deja realises."* tragique erreur !
Quand a Leclerc plus aux faits des realites du terrain par sa presence ou celle de ses proches comme Salan, Repiton-Preneuf, Paul Mus, Crepin ou meme Sainteny reccommandera toujours une entente avec le nord lui permettant, avec le maximum de moyens, de regler la situation beaucoup plus anarchique de la Cochinchine. Dans une note de trois pages emise le 8 decembre 1946, il y precise sa pensee d'alors:"sans doute de nombreux problemes plus graves restaient a solutionner, en particulier Ho Chi Minh ne pouvait se resoudre a l'abandon complet, pur et simple de la Cochinchine, comme il le fit connaitre aux negociations de Fontainebleau. Neanmoins, ces problemes, avec du tact et du temps, devaient trouver une solution. Il semble malheureusement qu'une methode essentiellement differente soit employee depuis quelques mois. On veut briser par la force la resistance vietnamienne, reprenant les methodes datant de la conquete; en outre, on ne croit pas a l'efficacite d'Ho Chi Minh et de son equipe."**
S'est le 14 avril 1946 que le general Leclerc apprit de la bouche meme du general Juin, en tournee d'inspection, que d'Argenlieu avait demande son rappel, a lui et a Salan; d'ou une legere animosite...legere. Au meme Juin, il ecrivit ceci le 29 juin:"Ayant eu communication des attaques tres dures prononcees par l'amiral d'Argenlieu contre moi-meme, je me permet de preciser, en deux mots, pourquoi je serais heureux maintenant que le principal est acquis en Indochine, de ne plus servir sous ses ordres. L' amiral est un autoritaire qui commande peu: jusqu'au debarquement au Tonkin inclus, pas un ordre, pas une directive, sauf parfois apres la bataille. Mais en meme temps, egocentrisme considerable qui n'admet pas d'autre autorite que la sienne. En somme, il serait necessaire d'approuver sans cesse et d'encenser avec respect en attendant des ordres qui ne viennent pas. Le second reproche, peut etre plus grave, est un manque de probite intellectuelles dont je ne fus pas le seul a souffrir."***
laurent
* Chronique d'Indochine. Amiral Thierry d'Argenlieu. Albin Michel. 1985.
**1945-1946 Le retour de la France en Indochine. Gilbert Bodinier. SHAT. 1987.
***Leclerc et l'Indochine. Albin Michel. 1992. |