Bonjour,
Chaque jour en parcourant le Réseau historien : musées, revues, associations, sites académiques, etc., je découvre les annonces et avant-premières de nouvelles manifestations autour de la vie et du combat de Jean Moulin.
Expositions, colloques, séminaires, documentaires, dossiers, éditions et émissions spéciales se suivent et rivalisent pour entretenir la mémoire du coordinateur des Mouvements de Résistance. En juin 2003, on peut écrire sans hésiter que Jean Moulin a une couverture médiatique de 10/10.
C'est un peu comme si les institutions, mais aussi les médias privés et des particuliers passionnés cherchaient à combler l'absence (supposée ?), le manque (fantasmé ?) et l'oubli (imaginé ?) de la mémoire du représentant de la France libre dans l'historiographie et surtout dans la conscience collective des Français...
Si l'ancien préfet a souffert d'une carence effective de représentations jusque dans les années 60 et au début des années 70, il faut bien admettre que depuis 30 ans maintenant, il occupe la première place dans la Mémoire nationale de la Résistance. Mais il faut croire que ce n'est pas suffisant, car comment expliquer cette véritable "overdose" moulinienne sur tous les fronts : l'histoire, l'édition, la mémoire et la culture (théâtre, etc.)
On risque une saturation et les redites assommantes peuvent lasser un public curieux bien disposé, car comme il n'y pas de nouveaux éléments - Jean-Pierre Azéma, avant lui Pierre Péan et surtout Daniel Cordier ayant exposé l'homme, le préfet, le militant, le résistant et la figure du martyr - on en l'impression d'être dans une sorte de longue redite...
Si j'écarte peut-être trop pudiquement les raisons d'opportunisme marchand, je constate que ce monopole entraîne une disparité dans le traitement que méritent les autres leaders des mouvements en France : Jean-Pierre Lévy, Henri Frenay (c'est chose faite avec cette excellente biographie), D'Astier, Cavaillès (une première bio croisée est sortie il y a deux ans), Rémy (et ses paradoxes révélateurs de l'aspect multidimentionnel des chefs résistants), etc, etc.
La diffusion permanente et dans tous les espaces réels et virtuels de la figure mythique de Jean Moulin, le rappel constant de son combat politique gaulliste et l'exposé des conflits auxquels il fut confronté pour créer et diriger les MUR risquent d'occulter l'action de ceux sans qui Moulin n'eût pas pu rassembler sous la figure symbolique du Général de Gaulle et non sans grincements de dents et menaces de scissions, les forces contradictoires des soldats et des chefs de l'armée des ombres.
Bien cordialement,
René Claude |