Hessel, Jardin, Joinovici… une Seconde Guerre mondiale de plus en plus présente - Site personnel de F. Delpla, Historien 1939-45 - forum "Livres de guerre"
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Edition du 14 avril 2012 à 20h10

Site personnel de F. Delpla, Historien 1939-45 / François Delpla

 

Hessel, Jardin, Joinovici… une Seconde Guerre mondiale de plus en plus présente de françois delpla le lundi 17 janvier 2011 à 17h35

Lettre d'information n° 75

Tandis que Marine Le Pen lance une nouvelle tentative de synthèse du pétainisme et du gaullisme dans l’élan du confusionnisme d’Eric Zemmour , Stéphane Hessel (que j’ai interviewé pour le n° 6 du magazine Histoire(s) de la Dernière guerre ) a obtenu enfin la notoriété qu’il a, pendant 70 ans, obscurément méritée, et cela ne fait pas que des heureux. Il est vrai que le triomphe de sa brochure intitulée « Indignez-vous » a un côté attristant, puisqu’il souligne le scepticisme de nos contemporains quant à la validité des indignations de gens moins expérimentés.

Mais il est, somme toute, encourageant de constater qu’en sa personne, et en celle de nombreux autres résistants, c’est toute une tentative d’instrumentalisation et de récupération de l’histoire qui est retournée contre ses auteurs. Lorsque les représentants de l’Etat ne supportent plus l’évocation du programme du Conseil national de la Résistance lors des cérémonies qu’il honorent de leur présence, c’est le gouvernement lui-même qui se met en porte-à-faux .

Une autre publication rencontre un succès inattendu : la bande dessinée « Il était une fois en France », du scénariste Fabien Nury et du dessinateur Sylvain Vallée, en est au quatrième de ses six tomes, sur un sujet sombre et scabreux : la vie et la carrière de Joseph Joinovici, un Juif parisien d’origine russe, collaborateur et résistant non pas, comme d’autres, successivement, mais simultanément, dans une stratégie de survie. J’ai été invité à en parler sur Europe 1 le 14 janvier dans une excellente émission de Michel Field .

Voilà qui nous amène au scandale soulevé par le dernier livre d’Alexandre Jardin, consacré à son grand-père Jean, qui dirigeait le cabinet de Laval depuis le début de son ministère (avril 1942) jusqu’à la fin de 1943, date de sa nomination à Berne comme attaché financier. L’homme, qui s’était taillé une solide réputation d’ « éminence grise », inusable quels que soient les régimes, avait réussi à taire, à la maison comme à la ville, sa part dans la collaboration et à faire en sorte qu’on n’en parlât jamais. Lui-même avait renoncé à publier des mémoires mais ses descendants, dont ce petit-fils, avaient développé le « mythe Jardin » d’une famille hautement fantaisiste et pittoresque. En fait, Alexandre était taraudé par des interrogations sur le rôle de Jean dans la Solution finale, sous l’aiguillon d’un camarade de lycée, lui-même petit-fils d’un SS directeur de camp, proche d’Albert Speer. Dans ce livre de rupture,
il dénonce moins sa conduite du temps de guerre, aujourd’hui difficile à cerner, que ses dissimulations d’après guerre, et le roman familial destiné à combler les vides. Il a été encouragé par l’éditeur Jean-Paul Enthoven à ne pas flancher au dernier moment, et aidé par l’historien Jean-Pierre Azéma à s’orienter dans le maquis institutionnel de Vichy. Il se trouve qu’il y a deux ans, dans mon livre sur l’exécution de Georges Mandel, j’avais, presque à mon insu, levé un lièvre intéressant –et inabordé, même dans « Des gens très bien »- sur le début de l’ascension de Jardin vers les sommets vichyssois, et la part probable d’une aide allemande dans ses progrès : .

Le point commun entre les carrières de Jardin et de Joinovici, du point de vue de l’historiographie, est que l’une et l’autre n’ont pas été prises à bras le corps par les chercheurs, alors qu’elles le méritent. Sans doute n’entrent-elles pas dans des catégories morales simples, et l’histoire de la période a-t-elle encore souvent tendance à se réfugier dans de tels cocons, comme le surgissement du statut des Juifs annoté par Pétain l’a encore montré récemment . Des auteurs marginaux, aux motivations diverses, ont alors leur chance de faire œuvre utile (tel Patrick Desbois, dont je vous ai entretenus précédemment et qui poursuit de plus belle ses très précieuses investigations, la contestation étant à présent bouche bée). La prise en compte du rôle de Hitler, et de la cohérence du projet nazi, devraient permettre de plus en plus de résorber c
e retard. Cela valait bien un nouvel éditorial , esquissant un bilan des débats de 2010 sur l’an Quarante.

J’ai eu également l’occasion de disserter sur le rôle de Hitler dans la genèse du pacte germano-soviétique, dans le cadre d’un institut russe de Paris, à la mi-décembre : .

La traduction par mes soins du dernier et somptueux livre de John Lukacs, « L’Héritage de la Seconde Guerre mondiale », n’est pas encore programmée au jour près mais a de bonnes chances d’être prête à la mi-mars pour le Salon du livre, avec une mienne préface, qui insiste précisément sur le rôle de ce pionnier dans la découverte des talents de chef de Hitler, dès 1976.

A ce propos, il convient de signaler la parution d’un autre ouvrage fondamental, « Nazisme et Révolution / Histoire théologique du national-socialisme » de Fabrice Bouthillon, qui m’a autorisé à publier un commentaire méthodologiquement virtuose d’un passage des mémoires du chancelier Brüning .

Enfin, j’ai le plaisir d’annoncer la parution d’un certain nombre de travaux de ou sur Raymond Aubrac dans lesquels je n’ai nullement trempé. La vague déferlera en mars, notamment le 10 avec un livre de Pascal Convert aux éditions du Seuil puis un film télévisé du même auteur, dont je viens de mettre l’image en ligne : .

Je vous souhaite une année 2011 riche en découvertes et en réflexions.


François Delpla



PS.- L’édition en livre des émissions de Pierre Assouline sur Churchill paraîtra le 3 mars aux éditions Perrin. La couverture s’affichera ici incessamment : .

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