Bonsoir,
Il est clair que Max Gallo fait œuvre de pédagogie en agrémentant sa chronique de mise en situation des acteurs de l'époque ... quitte à commettre quelques entorses à l'Histoire. Le livre s'adresse au "grand public" et, à cet égard, il est passionnant.
Faisons donc appel à un historien, Marc Ferro, qui ne fait pas non plus l'unanimité. Dans la biographie "
Pétain", l'historien reproduit l'incident relaté par Tony Révillon [1] :
Georges Mandel exigea du Maréchal une lettre de regrets pour clore cette querelle. Le Maréchal passa alors dans une pièce voisine et revint avec un texte où il écrivait "qu'à la suite des explications fournies par Mandel", il se considérait comme satisfait.
- Pardon, Monsieur le Maréchal, dit Georges Mandel, vous ne m'avez pas demandé d'explications, c'est vous qui m'en devez et qui m'en avez donné, je ne puis accepter votre lettre.
- C'est vrai, dit le Maréchal, que voulez-vous que j'écrive ?
- La vérité.
Le Maréchal passa à nouveau dans la pièce voisine. Le temps semblait long. Ludovic Frossart [2] et Pomaret se dirigent vers la pièce où se trouve le Maréchal.
- Laissez, messieurs, je vous en prie, le Maréchal saura bien écrire une lettre tout seul.
Quelques instant après le Maréchal Pétain rentrait dans la pièce où se trouvait Mandel et lui remit la lettre suivante:7 juin 1940,
Monsieur le Ministre, sur une dénonciation faite au service de renseignements au terme de la quelle un dépôt d'armes aurait été constitué en vue d'une opération dirigée contre le gouvernement à l'instigation de monsieur Mandel et du général Buhrer, j'ai fait procéder à l'arrestation de ces messieurs.
J'ai la conviction que cette dénonciation ne reposait sur aucun fondement et avait le caractère d'une manœuvre ou d'une provocation au désordre.
Je m'en excuse et souhaite vivement que cette malheureuse affaire n'ait pas d'autre suite.
Signé : Philippe Pétain.
Bien cordialement,
Francis.
Ndlr
[1] Tony Révillon : homme politique qui fut notamment ministre de l'Education nationale en 1948. Révillon est l'auteur de "
Mes Carnets : juin-octobre 1940"
[2] Ludovic Frossard (et non Frossart comme l'écrit Marc Ferro) : ministre des Travaux publics sous Reynaud, maintenu en fonction dans le gouvernement Pétain en juin 1940. Il vota les pleins pouvoirs à Pétain mais refusera de siéger au Conseil national de l'Etat français. Il est le père d'André Frossard, écrivain et journaliste catholique bien connu.