Je suppose que ce post intervient à la suite de
mon message de ce jour. Il eût été, me semble-t-il, opportun de poster dans le même fil, au lieu d'en relancer un autre. En attendant, le fait est que vous ne répondez pas à mes questions.
Sur le fond, votre entreprise de réhabilitation de Pilet-Golaz ne me convainc pas. Vous mélangez allègrement l'été 1940 et l'année 1944, deux périodes nullement identiques, en évoquant pêle-mêle les souvenirs d'après-guerre du leader helvétique - et pas des sources archivistiques - sur l'été Quarante et l'extermination des Juifs de Hongrie quatre ans plus tard.
Les déclarations de Pilet-Golaz n'en sont pas moins intéressantes. Elles révèlent que sa politique menée en 1940 est surtout celle du Conseil fédéral et résulte d'une grande inquiétude née de l'apparente victoire allemande de l'époque. A supposer même qu'il ait reçu des militants pro-nazis suisses (en août et en septembre 1940, à deux reprises donc)
"à son corps défendant", le fait est qu'il les a reçus, et que ce fait doit être ajouté, outre au discours très complaisant envers l'Axe du 25 juin 1940, à d'autres événements que vous ne mentionnez pas :
- la libération des pilotes de la
Luftwaffe internés en Suisse (Christian Leitz,
Nazi Germany and neutral Europe during the Second World War, Manchester University Press, 2001, p. 20) ;
- une offre d'indemnisation des pertes subies par l'aviation allemande lors de ses accrochages avec la défense aérienne suisse (
ibid.) ;
- l'exécution d'une demande allemande, le 15 septembre 1940, tendant à observer un strict silence radio à compter de 22 heures (
ibid., p. 22) ;
- l'exécution d'une demande allemande supplémentaire, le 7 novembre 1940, tendant à l'instauration du couvre-feu à compter de 22 heures (
ibid.).
Et je ne parle pas de l'économie : dès juin 1940, la Suisse cesse de ravitailler les Alliés en armes et en munitions, et les redirige vers l'Axe (
ibid., p. 28), ce qui précède un crédit de 150 millions de Francs suisses accordé au
Reich le 9 août de la même année (
ibid.).
Certes, à la fin de l'année 1940, le Conseil fédéral dissout le Mouvement national suisse, principal parti d'extrême droite helvète. Mais cette mesure s'appliquait également au Parti communiste, et je me demande si elle n'a pas surtout visé à rassurer l'opinion d'une part, et à conserver les mains libres vis-à-vis d'une politique avec Berlin d'autre part.
Pour revenir également sur le cas de Guisan, je n'en fais pas non plus l'équivalent de De Gaulle. Ce général suisse, soit par pessimisme géopolitique, soit par souci de gagner du temps (sachant que ces deux motivations ne sont pas contradictoires), a tout de même suggéré, au cours de l'été et de l'automne 1940, un rapprochement avec l'Allemagne nazie (Georges André Chevallaz,
The challenge of neutrality. Diplomacy and the defense of Switzerland, Lexington Books, 2001, p. 117-118 et Jean-Baptiste Mauroux,
Du bonheur d'être Suisse sous Hitler, Editions d'En Bas, 1997, p. 104-105 - ouvrage très polémique), tout en manifestant une certaine fermeté.