Tout d’abord, je remercie Francis de faire ainsi l’éloge de mes pages sur les Glières où je m’efforce d’approcher de la vérité historique, ce qui n’est pas facile pour une « bataille » qui a été un élément important de la guerre psychologique et, en particulier, de la guerre des ondes entre Radio Paris, à la solde de l'occupant, et Radio Londres/Radio Alger, au service des Français libres. Certes, le combat des résistants a souvent été exagéré pendant l’Occupation pour des raisons de propagande et après la Libération pour des raisons de fierté nationale recouvrée, mais cela n’ôte rien au courage de ceux qui ont choisi de lutter contre l’occupant. Comme l’écrivait Henri Amouroux en 1985, l'héroïsme n'est jamais dans le nombre des morts ennemis, mais dans le risque assumé et le péril librement accepté.
En particulier, j’admire doublement Jean Prévost (1901 – 1944) : en qualité de résistant et combattant courageux du Vercors, mais aussi en qualité d’écrivain et surtout d’essayiste, notamment pour sa magistrale étude sur Stendhal, La création chez Stendhal – Essai sur le métier d’écrire et la psychologie de l’écrivain qu’en tant que stendhalien, j’ai toujours en bonne place dans ma bibliothèque…
A son sujet, permettez-moi de citer un extrait de l’article que lui consacre Gilles Vergnon (prof d’histoire à l’IEP Lyon et auteur d’une remarquable étude sur le Vercors, Le Vercors - Histoire et mémoire d’un maquis) dans Le dictionnaire historique de la Résistance : […] brièvement aux Etudiants socialistes, puis séduit un temps par les néosocialistes de Marcel Déat, il occupe une place originale : antifasciste, mais pas antiallemand, pacifiste et antimunichois, toujours républicain, il entend [selon ses propres termes] « se battre violemment pour des idées modérées ». [Au Vercors] sa stature contribue à renforcer la cohésion entre militaires de carrière et civils socialisants de Franc-Tireur. Monté [sur le plateau] en avril 1944 […], il commande en juin […] une compagnie formée à partir de groupes francs locaux. Engagé le 13 juin devant Saint-Nizier, (cet écrivain sportif) se révèle un chef efficace, nourri d’une longue réflexion sur le commandement. Après l’attaque allemande du 21 juillet et la dislocation du maquis, il trouve refuge avec un petit groupe à la grotte des Fées. Il tombe sous les balles le 1er août au Pont-Charvet, près de Sassenage, avec quatre de ses camarades.
Quant au comportement de la Wehrmacht, en particulier de la 157e division de réserve (avec son régiment de chasseurs de montagne d’instruction) envers les maquisards capturés, je citerai simplement le jugement du docteur Peter Lieb (Department of War Studies, The Royal Military Academy Sandhurst - RMAS, UK) qui écrit dans « Wehrmacht, Waffen-SS et Sipo-SD : la répression allemande en France 1943-1944 » :
L’expérience vécue de la guerre contre les partisans a également joué un rôle considérable dans la radicalisation des unités de la Wehrmacht, même lorsqu’elles étaient initialement dans une disposition d’esprit tout à fait opposée, comme le montre le cas de la 157e division de réserve. Cette division d’instruction, stationnée dans le Jura et dans les Alpes, a été la seule à être employée contre la Résistance pendant presque une année. [...] le commandant de la division, le général Pflaum, s’est plaint des mesures brutales appliquées par la Sipo-SD (la police de sécurité allemande) lors de la grande opération anti-partisans, dénommée Frühling, dans le Jura en avril 1944. Selon lui, ses soldats auraient trouvé ces méthodes antipathiques, car elles auraient frappé trop souvent des innocents. Quelques mois plus tard, cette division participait à l’opération dans le Vercors – une opération accompagnée d’innombrables représailles sanglantes. Son cas reste cependant singulier : la 157e division de réserve n’a pas participé aux plus grands massacres commis en France. De plus, cette division était plus ou moins contrôlée par la Sipo-SD pendant ses actions contre les maquis. Son comportement a été meilleur que la réputation qui est la sienne aujourd’hui.
En ce qui concerne le commandant de la division, le Generalleutnant Pflaum, il ne s’est certainement pas suicidé le 19 août, puisque, le 31 août 1944, il a passé son commandement au Generalmajor Paul Schricker pour raisons de santé (?). Etait-il écœuré (voir ses protestations plus haut) par les opérations de répression qu’on lui faisait mener ? En tout cas, il n’en dit rien dans le compte rendu de son interrogatoire (dont je possède une copie) par des officiers américains après son arrestation en 1947, ceux-ci n’étant intéressés que par des considérations stratégiques sur le rôle de la division dans la garde des cols alpins entre France et Italie… |