Bonjour,
Quoique généralement avare en compliment, j'avoue que le
Mers el-Kébir de François Delpla est passionnant.
Relevons toutefois un point de détail qui a peut-être son importance : Somerville a-t-il bâclé la besogne ?
Le 6 juillet, Somerville est chargé de terminer le travail et plus particulièrement "d'achever" le
Dunkerque qui n'est que légèrement endommagé.
François Delpla :
Comme un ordre venu de Londres prévoit une attaque au canon, Somerville proteste, au nom des pertes civiles qu'elle causerait (...) il propose et obtient d'attaquer par la voie des airs. Ainsi est fait le 6 juillet; les onze torpilles larguées font peu de dégâts directs mais la malchance s'en mêle: le patrouilleur Terre-Neuve, qui était venu évacuer une partie de l'équipage, était chargé de grenades dont l'explosion cause à la fois de nouvelles pertes humaines, et des dommages sérieux dans la coque du croiseur.
L'amiral Alexis Wassilief [*]
Et quand on regarde les ordres de feu de l'amiral Somerville au cours de la canonnade de Mers el-Kébir, on se rend compte qu'il a un tout petit peu bâclé la besogne, pour ne pas dire ... saboté. De même, le 6 juillet, lorsque les Britanniques reviendront achever le Dunkerque avec des avions torpilleurs, sur douze torpilles, une seule ira au but. Pourtant, le bâtiment était immobile.... Malheureusement, elle frappera le remorqueur accosté au Dunkerque, qui était plein de mines. Ce sera une effroyable explosion qui fera près de trois cent morts. Depuis, on a repêché plusieurs de ces torpilles et on a constaté que certaines d'entre elles, au moins cinq, avait été mises hors d'état de fonctionner, sabotées par des armuriers du porte-avions Ark Royal.
Jean-Jacques Antier,
Le Drame de Mers el-Kébir, Presses de la Cité, Paris, 1990 - cité par Pascal Eismann,
Mers el-Kebir, Histoire de guerre, n° 66, février 2006.
Les zones d'ombre perdurent au sujet de Mers el-Kébir, par exemple quant à l'absence d'effet des mines que Somerville a fait mouiller dans l'entrée de la rade (il est parfois dit qu'elles ont pu être écartées, voire qu'elles n'étaient pas armées) ou encore, parmi d'autres, sur la conservation des grenades sous-marines sur le Terre-Neuve et les "défaillances" d'une partie des torpilles anglaises le 6 juillet (ces dernières parfois expliquées par les termes "ratages" ou "sabotages" délibérés des Britanniques, dont les attaques il est vrai paraissent ne pas avoir été menées avec la plus grande détermination).
Et Pascal Eismann de s'interroger également sur la présence du
Terre-Neuve "armés de grenadeurs anti-sous-marins, dont les charges de profondeur sont restées en place sur leurs plages arrières, ils constituent un fort potentiel explosif amené pratiquement contre la coque du navire endommagé" (le
Dunkerque)
Bien cordialement,
Francis.
[*] extrait d'une dithyrambique hagiographie de Darlan publiée en deux parties, dans les années 1990, dans une revue "Dossiers secrets de l'histoire" - qui vaut ce qu'elle vaut.