> qui dit que la prise de Moscou aurait signifié la fin de
> la guerre en URSS?
Disons qu'on ne peut tout de même pas l'exclure.
Rappelons que les plans allemands prévoient, non pas de s'emparer de la capitale par un assaut direct, mais d'encercler les armées de Joukov dans une poche incluant ladite capitale - un projet totalement irréaliste dans le contexte hivernal d'octobre-décembre 1941, compte tenu également de la résistance de l'Armée rouge. A supposer en revanche que la Hgr. Mitte ait, au contraire, et comme le recommandait son chef, le GeneralFeldmarschall Von Bock, de concentrer ses assauts sur Moscou elle-même après avoir anéanti plusieurs armées adverses dans le double-encerclement Viazma-Briansk, ce qui situe mon hypothèse aux alentours de la mi-octobre 1941, on ne peut écarter l'hypothèse que la Wehrmacht se serait emparée de la capitale soviétique, comme permettent de l'attester quelques éléments.
A l'issue de ces succès nazis dans la première décade d'octobre, Joukov, le 8 de ce mois, a averti Staline par téléphone que "le pire danger, maintenant, ce sont les routes menant à Moscou. Nous n’avons pratiquement plus personne pour les défendre". Et dans le même laps de temps, le pouvoir soviétique a vacillé sur ses bases. La décision, prise le 12 octobre, d’évacuer les administrations gouvernementales vers Kouibychev a contribué à déchaîner la panique dans la capitale (qui ne sera résorbée qu'en quelques jours, grâce à la décision de Staline de demeurer sur place, ce qui l'amènera à réprimer sévèrement ces troubles). Dès lors, à supposer l’armée allemande fonçant sur Moscou, Staline aurait-il pu reprendre en main son régime, son peuple, ses troupes ? Lui-même, à cet instant précis, s’est révélé hésitant, oscillant entre la fermeté et l’abattement, et aurait pu être conduit à quitter le Kremlin pour rejoindre Kouibychev, ce qui n’eut pas manqué d’accentuer les désordres civils moscovites. Cette vacance du pouvoir n’aurait certainement pas facilité l’action de Joukov, ni la mobilisation des armées de réserve, ni même la préparation de l’Armée rouge en vue d’organiser des combats de rues comme elle s’y attachera l’année suivante à Stalingrad.
Bref, l'encerclement des armées de Joukov, sévèrement étrillées à cette phase du conflit, ne se serait pas produit, mais Moscou serait peut-être - probablement, même - tombée (avant la fin du mois d'octobre), et la perte d’un tel centre de communications ferroviaires et routier aurait suscité de considérables difficultés de redéploiement militaire pour les Soviétiques. Les Allemands auraient également fait main basse sur la première région économique et démographique du pays – et qui l’était restée malgré les évacuations d’usines et de la population – à une époque où la production industrielle d’U.R.S.S. connaissait son plus bas niveau, et où le taux de mortalité chez les évacués s’était aggravé. Il ne faut enfin pas négliger l’impact psychologique qu’aurait représenté une victoire allemande à Moscou sur les autres secteurs fronts, en particulier celui de Leningrad, et sur les capitales étrangères, telle que Washington. Pour finir, il est loin d’être certain que Staline aurait décidé de poursuivre la lutte, sa légitimité politique pouvant subir une nette éclipse à la suite de cet éventuel désastre supplémentaire. Insistons sur le fait que dans les deux premières semaines d'octobre, le dictateur soviétique apparaît rongé par le doute et l'incertitude, et qu'à en croire un témoignage de Joukov formulé - il est vrai - dans les années 60, Staline aurait pressé Beria de négocier avec les Allemands.
Dans ces conditions, s’il est toujours difficile de refaire l’Histoire, en tenant compte tout à la fois des "tendances lourdes" et de la contingence, il y a toutefois lieu d’en conclure que l’arrêt de la Wehrmacht devant Moscou a privé l’Allemagne d’une chance non négligeable de gagner la guerre à une époque où l’arsenal des démocraties américain ne fonctionnait pas encore à plein régime. |