> Ça doit être dur à vivre, pas vrai, Nicolas ?
Par ex. et au hasard :
"Laval ne pouvait ignorer que les enfants déportés étaient voués à la mort, d’une manière ou d’une autre."
Votre propre citation de mon article a été
extraite de son contexte. Pas de surprise. Car je m'y attendais.
Lorsque Poliakov écrit en 1968 que
"de ce point de vue, on pourrait même arguer que l’existence d’un « Etat français » de Vichy fut, en définitive, bénéfique pour les Juifs", il ne conclut certainement pas à ce que Vichy ait sauvé les Juifs de France, bien au contraire.
Dans cet article en effet,
comme je l'ai montré, il rappelle à quel point Vichy était rongé par l'antisémitisme et la xénophobie, au point de se lancer dès 1940 dans une législation d'exclusion contre tous les Juifs du territoire, allant même jusqu'à anticiper les attentes de l'occupant (
la promptitude avec laquelle le maréchal Pétain et son gouvernement adoptèrent une politique raciste de leur propre cru"). Et lorsque Vichy collabore aux rafles, il se livre à un
"peu glorieux maquignonnage", sacrifiant les Juifs étrangers pour préserver - provisoirement - les Juifs français.
Plusieurs années plus tard, comme je l'ai écrit mais il faut bien le rappeler à l'ex-anonyme qui procède à une lecture partielle - car partiale - des textes, Poliakov souligne en effet qu'en 1942
"s’engagea un maquignonnage compliqué dont, du côté français, Pierre Laval devint la figure clef. La première contre-proposition du gouvernement de Vichy, caractéristique pour le climat xénophobe de l’époque, consista à offrir aux S.S. les Juifs étrangers de la « zone libre » mais à réclamer en échange une exemption collective pour les Juifs français des deux zones. Les négociateurs allemands y acquiescèrent, sans cacher à Laval que le tour des Juifs français viendrait à son heure, et sans doute y consentirent-ils d’autant plus facilement que leur interlocuteur leur faisait sur le champ une autre suggestion : débarrassez-nous non seulement des Juifs étrangers, mais aussi de leurs enfants !"
C'est peut-être une réhabilitation de Vichy, ça ?
Or, Poliakov précise que Vichy manifeste des réticences à collaborer aux rafles
après les protestations de l'opinion et de l'Eglise (il ne signale d'ailleurs pas que le régime a d'abord tenté de juguler ces réactions). De fait, Vichy se réfugie dans l'attentisme, ce qui empêche effectivement les Allemands de pouvoir compter efficacement sur la police française. Mais Poliakov précise que Vichy ne pratique aucune politique de sauvetage, laquelle résulte en fait
"d’initiatives individuelles et spontanées, sans lien entre elles".
Bref, lorsque Poliakov estime que
"de ce point de vue, on pourrait même arguer que l’existence d’un « Etat français » de Vichy fut, en définitive, bénéfique pour les Juifs", il n'attribue à Vichy aucune volonté de sauver les Juifs, outre qu'il cesse même d'en faire le
"facteur prépondérant" du
"sort relativement plus clément des Juifs de France". Il évoque
"l'existence" de l'Etat français, pas la
stratégie de ce dernier. Cette existence rendait nécessaire pour l'occupant le concours de la police française : dès lors que Vichy doit réviser son programme à la baisse
parce que cédant aux pressions de son opinion publique et de l'Eglise, le mécanisme allemand de la déportation se trouve partiellement grippé.
Autrement résumé : Poliakov soutient que les Juifs de France ont été sauvés
malgré Vichy !
> Surtout quand on sait que ce n'est pas 85000 mais 75000
> Juifs de France (dont seulement 25000 juifs français) qui
> furent déportés-tués.
Heureux de vous voir - enfin - admettre que les écrits de Léon Poliakov peuvent apparaître... datés. Bizarrement, vous le reconnaissez en révisant son bilan mortuaire à la baisse, mais pas en vous penchant sur la petite phrase que vous invoquez perpétuellement -
et pour cause.