De cette étude passablement longue, il en ressort deux points :
1) La petite phrase de Poliakov de 1951, sans cesse agitée par les thuriféraires vichystes, revêt une signification moins favorable à Vichy que ces derniers ne veulent l’admettre, même si elle témoigne en effet d’une indulgence ambiguë reflétant l’état lacunaire de l’historiographie de l’époque.
2) En toute hypothèse, Léon Poliakov a eu, par la suite, l’occasion d’affiner et compléter son analyse, de manière à insister sur la spécificité de l’antisémitisme d’Etat de Vichy, qui se développe dès 1940, et qui a dès lors posé les jalons des premières déportations, dans la mesure où l’Etat français, tout en excluant tous les Juifs de la société française, concentre la majorité de ses efforts contre les Juifs étrangers, qu’il souhaite faire expulser, ce qui l’amène à saisir l’opportunité offerte par les Allemands en juillet 1942. Cette distinction Juifs français-Juifs étrangers n'est pas assimilée à de l'héroïsme par Poliakov, à l'inverse de ce que formule un Michel Boisbouvier (l'ex-anonyme).
Bref, démontre finalement Poliakov dans ses derniers articles, Vichy ne négocie pas au pied du mur, ni pour sauver des êtres humains (le sort des Juifs français restant en suspens), mais pour exécuter sa propre politique raciste et complaire aux nazis.
En toute hypothèse, Poliakov n’a pas désavoué l'état de l’historiographie consécutif aux recherches menées par Serge Klarsfeld, Michael Marrus, Robert Paxton, Asher Cohen, et ainsi résumé par le premier : « Vichy a contribué efficacement à la perte d'un quart des juifs de France » mais « les Français ont puissamment aidé au salut de trois quarts des juifs de France ». Et pour cause : il était lui-même parvenu à cette conclusion bien avant ces historiens.
C’est pourquoi, recycler à l’infini une phrase isolée et équivoque d’un ouvrage datant de 1951 pour tenter de nier l’évidence culpabilité du régime de Vichy dans les persécutions et les déportations antisémites n’est pas faire œuvre d’Histoire. Mais de propagande. |