... que vous avez mal lu mon message. Il s'agissait de rétorquer à l'ex-anonyme (Michel Boisbouvier), qui écrivait, en réplique à
mon article exposant les épouvantables conditions de vie des internés en instance de déportation :
"Dans le ghetto de Varsovie il y eut bien pire que ça : ces bébés encombrants qu'on fracassait contre les murs ou dont on écrasait le crâne à coups de bottes."
Il ne s'agissait nullement de déterminer, en l'occurrence, qui savait quoi, mais de constater que l'ex-anonyme cherchait à établir un barème dans l'horreur, poussant l'impudence jusqu'à invoquer les atrocités nazies en Pologne pour minimiser les atrocités des rafles de l'été 1942. D'où le passage de
ma réponse que vous reproduisez - sans l'ombre d'un commentaire sur le reste, ce qui ne m'étonne guère.
Bref, vous ne me paraissez pas avoir bien compris ce que vous lisiez, et qui en ce qui me concerne est parfaitement clair. Je préfère en déduire que vous avez commis une erreur de bonne foi, et que vous n'avez pas cherché à isoler un paragraphe sur plusieurs dizaines pour déformer sciemment mes propos. N'est-ce pas ?
Pour revenir au fond de votre remarque, vous commettez le même syllogisme erroné qui consiste à partir d'un fait prétendument établi (personne en France ne parlerait de gazages en juillet 1942) pour en déduire que personne, en France, n'était en mesure de s'imaginer, même en juillet 1942, que les Juifs déportés seraient exterminés (peu important le moyen, le résultat étant strictement le même : la mort).
Ce faisant, vous négligez que les informations sur le sort funeste des Juifs, en 1942, permettaient d'établir qu'ils faisaient l'objet d'une entreprise d'extermination, ou à tout le moins qu'il y avait lieu de s'inquiéter de leur sort,
ce qui reste l'essentiel.
Exemple : dès l'été 1942, le Vatican (Etat avec qui la France entretient des rapports diplomatiques) avertit le gouvernement slovaque, qui déporte les Juifs de Slovaquie à tour de bras, que ces derniers ne sont pas destinés aux camps de travail, mais sont
"annihilés".
Autre exemple, français, celui-là - le 1er juillet 1942, la
B.B.C. a indiqué, dans l'émission
Les Français parlent aux Français :
"Dans une note officielle, le Gouvernement polonais a fait connaître que 700.000 Juifs ont été massacrés en Pologne depuis le début de l'occupation. Ils ont été abattus pour une seule raison c'est qu'ils étaient Juifs."
Cette possibilité de déterminer, dès cette époque, que les Juifs déportés sont promis à l'extermination est d'autant plus facile que les informations sur les gazages se diffusent vite. A ce titre, la
B.B.C. a effectué un travail pour le moins non négligeable. Le 9 juillet 1942 notamment, Radio Londres informe ses auditeurs que
"les Juifs sont régulièrement tués par mitrailleuses ou grenades - et même asphyxiés par les gaz".
Ces informations iront en s'accentuant, de sorte que le secret de l'extermination des Juifs n'est plus, à l'été 1942, qu'un secret de polichinelle. L'automne venant, et les déportations se poursuivant, l'information n'en poursuit pas moins son chemin, à tel point qu'Anne Frank, le 9 octobre 1942, écrit dans son Journal que
"la radio anglaise parle de gazages" (un élément qui
sera à l'origine d'une énième falsification du négationniste Faurisson), et une dizaine de jours plus tard, en France, l'organe clandestin
J'accuse se montre remarquablement précis sur ces mêmes procédés du meurtre de masse (
voir mon article).
Et je ne cause là que de la
B.B.C. Pas des services de renseignements vichystes, ni des informations qui circulent dans les coulisses du pouvoir, ni des confidences d'Allemands affectés en France, ni des alertes venant des Etats-Unis (ou du Vatican, mais j'ignore pour le moment, sur ce point très précis, ce qu'il en est). Bref, prétendre que Vichy n'avait pas les moyens de savoir, à l'été 1942, que les Juifs déportés mourraient relève de la foutaise historique. Et je pèse mes mots.
En toute hypothèse et pour finir, invoquer comme un hochet la pseudo-ignorance du sort des Juifs déportés ne saurait tout de même remettre en cause le caractère criminel des arrestations et des internements inhumains de plusieurs milliers d'hommes, de femmes et d'enfants, qui avaient le double tort d'être juifs et étrangers. Ce qui, là aussi, est essentiel, car un tel fait était de nature à dissiper tous les éventuels derniers doutes sur ce qui attendait ces malheureux. Mais peut-être s'agit-il d'un détail, pour vous...