Bonsoir,
L'historiographie (à ma connaissance) ne s'est guère attardée sur les opinions politiques de Pétain avant-guerre.
Lors d'un débat sur la Cagoule, nous avions déjà noté "
La sagesse d'attendre le moment favorable"
Ailleurs, nous écrivions :
Les raisons qui poussent Pétain à rester en retrait seraient, selon Griffiths, cité par Marc Ferro, contenues dans la remarque qu'il aurait faite à la fille du général Duseigneur, en 1938. Après l'échec du putsch de la Cagoule, en novembre 1937, celle-ci demanda à Pétain d'intervenir en faveur de son père. Pétain lui adressa la réponse suivante : "
Il est possible que j'ai un rôle à jouer. Je ne peux pas me compromettre dans cette affaire."
Pétain se tenant en réserve de la Nation ? Et, comme le pense Marc Ferro, Pétain, prudent, très prudent, attendait son heure ?
En feuilletant le livre de Philippe Burrin,
La France à l'heure allemande, l'historien publie et commente un entretien que Pétain accorda, le 28 février 1936, à l'ambassadeur d'Italie à Paris.
Pour éviter d'en altérer la teneur, nous le reproduisons in extenso (pp 67 et 68):
Dans l'entretien de 1936, il [Pétain] avait fait connaître son opposition au pacte franco-britannique. Sur ses préférences diplomatiques, un document inédit, tiré des archives italiennes et faisant rapport sur un entretien qu'il eut avec l'ambassadeur italien à Paris le 28 février 1936 - c'était l'époque de la guerre en Éthiopie et des sanctions contre l'Italie -, jette une lumière troublante. Pétain disait ne pas douter que l'Italie sortirait à son avantage du conflit en cours, car elle possédait en Mussolini un homme qui savait ce qu'il voulait, au contraire des gouvernements démocratiques dont l'indécision était pitoyable. Après avoir ajouté qu'il comprendrait un éventuel départ des Italiens de la SDN, organisme auquel il n'avait jamais cru, il se lança dans une diatribe contre l'Angleterre qui frappa d'autant plus le diplomate italien qu'elle avait été prononcée avec calme et sérénité. « L'Angleterre a toujours été l'ennemie la plus implacable de la France. » Elle n'a fait la guerre à ses côtés que dans la mesure où cela servait ses intérêts, puis elle avait pris le parti de l'Allemagne. « Pour toutes ces raisons, je vous dis que la France a deux ennemis héréditaires, les Anglais et les Allemands, mais que les premiers sont plus anciens et plus perfides; c'est pourquoi je pencherais pour une alliance avec les seconds qui garantirait la paix absolue en Europe, surtout si l'Italie se joignait à cette alliance. Dans ce cas, on pourrait résoudre tous les problèmes restés insolubles jusqu'à aujourd'hui, parce qu'une plus égale répartition des colonies britanniques permettrait de donner richesse et travail à tous.» Sans doute faut-il tenir compte de l'amertume laissée par les désaccords avec l'Angleterre l'année précédente et ne pas prendre ces propos pour un programme. Mais parle-t-on ainsi, à quatre-vingts ans, sans restituer des pensées remâchées ? Sur la foi de ces déclarations, Pétain se trouvait bien plus proche d'un Doriot que de Maurras.
Bien cordialement,
Francis.