Je viens de découvrir ce texte étonnant, instituant le droit de vote pour les femmes et la survie de la "république"
Sait-on plus de chose sur ce texte ? Son authenticité, ses buts ?
Fin 1943, commençait à souffler à Vichy un "
vent mauvais" notamment une vilaine brise annonçant les prémisses de la défaite allemande et les perspectives d'un débarquement allié en France. Pétain estima qu'il devenait opportun de préparer l'avenir en promulguant cette loi constitutionnelle.
Les objectifs - à mon sens - étaient multiples :
- écarter Laval du pouvoir. Pierre Laval était exécré aussi bien par les ultra-collaborationnistes de Paris que par les modérés de Vichy et, bien sûr, par la population qui le considérait comme bouc-émissaire du régime.
Déjà fin 1942 / début 1943, Pétain avait dû abdiquer pratiquement tous ses pouvoirs au profit de Laval. La promulgation d'une nouvelle loi constitutionnelle aurait mis fin aux prétentions de Laval en restaurant l'autorité de Pétain dans toute sa plénitude.
- S'assurer l'appui des parlementaires qui lui avaient confié les pleins pouvoirs en 1940 conférant ainsi au futur chef de l'Etat un semblant de légitimité et de légalité.
- barrer la route au le général de Gaulle qui s'activait à Alger.
En prélude à la création de l'Assemblée consultative d'Alger et les engagements de De Gaulle de rétablir les lois de la République, le Comité d'Alger s'activait pour rallier les parlementaires de la IIIe République
- séduire les Etats-Unis - Roosevelt en particulier - qui avait reconnu l'autorité de Darlan en AFN, pour soutenir ensuite Giraud qui ne s'écartait pas de la philosophie de Vichy et accessoirement rappeler que ni l'un ni l'autre n'appréciait de Gaulle.
Comme l'indique François Delpla, le texte fut soumis à Roosevelt par l'intermédiaire Gorostarzu. Remarquons que le projet de loi prévoit une Cour suprême calquée sur celles des Etats-Unis ce qui ne devait pas déplaire à Roosevelt
Chacun aura également remarqué que le projet de loi instaure un pouvoir autoritaire accordant de très larges pouvoirs à l'exécutif. Il semblerait que Pétain trouva conseil auprès de son ami Salazar du Portugal.
Pratiquement, la loi ne vit jamais le jour. Le 13 novembre 1943, Pétain a l'intention de s'adresser aux Français pour annoncer la promulgation de l'acte 4 (sixties) relatif à la succession du chef de l'Etat ainsi que le projet de la nouvelle constitution en date du 30 janvier 1944.
Pétain commet l'erreur de présenter son allocution radiophonique [*] à Laval qui en informe les autorités allemandes .... lesquelles y mettent leur veto.
Bien cordialement,
Francis.
[*] Le message radiodiffusé que Pétain aurait du prononcer le 13 novembre 1943 :
Français,
Le 10 juillet 1940, l'Assemblée nationale m'a donné mission de promulguer, par un ou plusieurs actes, une nouvelle constitution de l'État français.
J'achève la mise au point de cette constitution. Elle concilie le principe de la souveraineté nationale et le droit de libre suffrage des citoyens avec la nécessité d'assurer la stabilité et l'autorité de l'État.
Mais je me préoccupe de ce qui adviendrait si je venais à disparaître avant d'avoir accompli jusqu'au bout la tâche que la Nation m'a confiée.
C'est le respect de la légitimité qui conditionne la stabilité d'un pays. En dehors de la légitimité, il ne peut y avoir qu'aventures, rivalités de factions, anarchie et luttes fratricides.
J'incarne aujourd'hui la légitimité française. J'entends la conserver comme un dépôt sacré et qu'elle revienne à mon décès à l'Assemblée nationale de qui je l'ai reçue si la nouvelle constitution n'est pas ratifiée.
Ainsi, en dépit des événements redoutables que traverse la France, le pouvoir politique sera toujours assuré conformément à la loi.
Je ne veux pas que ma disparition ouvre une ère de désordres qui mettrait l'unité de la France en péril.
Tel est le but de l'acte constitutionnel qui sera promulgué demain au Journal officiel.
Français, continuons à travailler d'un même coeur à l'établissement d'un régime nouveau dont je vous indiquerai prochainement les bases et qui seul pourra rendre à la France sa grandeur.