Bonjour,
Grâce à son travail de bénédictin et à une très grande rigueur historienne non exclusive, le biographe ayant su intégrer des éléments plus irrationnels comme le charisme ou la passion à fleur de peau de Frenay, Robert Belot nous permet de suivre l'évolution non linéaire et les changements parfois abrupts dans la pensée politique de l'un des fondateurs de la Résistance durant les quatre années de l'Occupation.
D'une admiration un peu naïve pour Pétain en 1940, liée à son passé d'officier qui ne saurait concevoir - c'est viscéral, d'où la douloureuse désintoxication de 1942 - qu'un maréchal de France trahisse, au discours marquée d'une phraséologie révolutionnaire "antimilitariste" de 1943, Henri Frenay (nous) apparaît comme une personnalité multiple, paradoxale et beaucoup plus riche que l'image réductrice qui lui fut accolée dans de nombreux essais sur l'histoire des mouvements de la Résistance intérieure.
N'oublions pas que Frenay fut amené à cotoyer des gens d'appareils rodés (les cadres du PCF, p.ex.), des grands commis d'Etat (Moulin) et des esprits politiques fulgurants (De Gaulle, Brosssolette,etc.). Lui n'est qu'un "petit" capitaine obscur lorsqu'il pose les bases de ce qui deviendra le plus grand mouvement de Zone Sud et qu'il sera alors pris très au sérieux par les gens du BCRA et De Gaulle, les services anglais puis américains et, il ne faudrait pas les oublier, les polices françaises et nazies ! L'abattage de Frenay auprès des différents soutiens et acteurs de la Résistance, et cela dans une clandestinité totale depuis le début 1942, est impressionnant.
Là encore, c'est la finesse de l'approche de Belot qui nous permet de sortir des clichés et des réductions héritées d'une mainmise organisée ou plus diffuse d'une vision "gaulliste" et "gaullienne" sur la mémoire et dans l'histoire de la Résistance. Pour résumer, c'est très souvent le point de vue de Jean Moulin, une vision personnelle que l'on sait maintenant partiale des positions de Frenay, qui est encore bien souvent reproduite dans les articles, essais et au cours de débats en ligne.
La mémoire investie par les gaullistes (et les communistes) durant les 30 années qui ont suivi la fin de la guerre ont laissé des traces jusqu'à aujourd'hui.
L'action et la pensée de Jean Moulin ont été sacralisées. Il est donc difficile d'exposer ce qui fut chez lui, comme chez tous les responsables de la Résistance, des manifestations de jalousie, de mauvaise foi ou d'un "fanatisme" gaulliste expéditif.
C'est un des mérites du travail de Robert Belot que de nuancer les positions des ces chefs soumis à des pressions de toutes sortes qui ont ruiné des psychismes très solides ...!
Cordialement,
René Claude |