Bonsoir,
Le rôle de l'avocat de la défense, faut-il l'en blâmer, est de défendre son
client quelles que soient les présomptions qui pèsent sur l'accusé. Maître
Maurice Garçon, lors du second procès de René Hardy, entame sa plaidoirie par un
discours digne d'un morceau choisi d'anthologie rhétorique. D'emblée, Me
Garçon proclame l'innocence de René Hardy. Plus tard, dit-on, loin des
effets de manche, l'avocat aurait confié à son entourage que c'était son intime
conviction. Faut-il le croire?
Ci-dessous, écoutons Me Maurice Garçon entamant son plaidoyer!
"Messieurs, pour la seconde fois, je me présente à
cette barre pour défendre Hardy et je comprends que vous ayez le droit de vous
montrer étonnés de ma présence. Après son premier acquittement, le scandale
causé par la découverte du mensonge qui l'avait fait absoudre semblait devoir,
pour l'avenir, me réduire au silence. Pourtant, vous me retrouvez résolu à le
défendre encore et la contradiction apparente de mon attitude pourrait vous
faire douter de ma sincérité. C'est pourquoi j'estime que, d'abord, je vous dois
personnellement des comptes. Il est vrai que j'ai, sans le savoir, soutenu
publiquement un mensonge. J'ai connu, après l'acquittement, l'orgueil d'avoir
contribué à faire triompher une cause que je croyais juste et je suis, dès le
lendemain, tombé de haut. A peine avais-je savouré ma joie qu'il m'a fallu
apprendre que mon client m'avait menti, qu'il avait escroqué ma bonne foi. Plein
de tristesse et de confusion, je me suis retiré. (...) Ce que je pensais à ce
moment-là, je ne l'ai dit à personne, mais je dois vous le révéler aujourd'hui.
J'ai cru Hardy coupable! (...) Et les mois ont passé. Mes deux amis, André
Constant et Daniel Thirault, qui me remplaçaient, ont suivi l'instruction du
nouveau procès. (...) Mes fidèles amis m'ont exprimé leurs angoisses en même
temps qu'ils m'affirmaient la certitude d'une innocence qui leur apparaissaient
de jour en jour plus claire. Je n'ai pas voulu me fier à leur seul avis qui
pouvait être faussé par une générosité un peu aveugle. Je me suis fait remettre
le dossier. Je l'ai lu seul. J'ai critiqué, pour moi-même, toutes les pièces. Je
n'ai éludé aucune difficulté et j'ai jugé sans indulgence. Ainsi est entrée en
moi une conviction faite non de sentiments ou d'émotions, mais seulement de
froide logique. Rien ne pourra plus m'ébranler : Hardy est
innocent."
Bien cordialement,
Francis.