Le problème, 60 ans après les faits, est qu'il est malaisé de bien comprendre les relations multiples et complexes remontant souvent à l'avant-guerre entretenues par certains cadres des M.U.R. Ces relations sont la "zone grise" de la Résistance car c'est souvent dans ces rencontres discrètes, officieuses, voire clandestines que des renseignements utiles étaient échangés : on protégeait du côté de la police de Vichy les "bons" résistants, ceux qui refusaient de travailler avec les communistes; on se méfiait aussi des gaullistes soupçonnés d'être infiltrés par Moscou et cet anti-communisme viscéral a suffi parfois à accorder sa confiance à des individus, amis d'avant-guerre mais qui, passés à l'ennemi, ont eu un fort potentiel nuisible. En ce qui concerne Bénouville, je crois qu'après avoir négligé de prendre les plus élémentaires mesures "coupe-feu" pour la réunion de Caluire, il fut secrètement satisfait de la neutralisation de Moulin par Barbie. Certains compagnons de la Résistances se sont d'ailleurs étonnés que tout n'ait pas été tenté pour essayer de libérer Moulin; j'ai le sentiment qu'une fois neutralisé, des chefs de mouvements ont très vite voulu tourner la page... D'où mon malaise qui dure et que des lectures ont entretenu.
Les négligences coupables de certains membres de "Combat" ainsi que les jeux dangereux tentés par des éléments issus de 2e bureau de l'armée d'armistice sont responsables de la chute de Jean Moulin.
Ce que je ne sais pas et ne saurais sans doute jamais, c'est la conscience qu'eurent un Aubry ou un Bénouville des conséquences possibles de leurs fautes.
Malveillance lucide ou énorme bêtise qui "fait bien les choses"...?
Amicalement,
René |