Bonsoir - Bonjour,

La première rencontre avec Jean Moulin qui cherche à joindre Londres mais qui, à cette date n'a pas encore fait le choix de ceux auxquels il va offrir ses services - les Anglais du SOE ou les Français libres - va faire du chef du MLN une personnalité. Cette année 1941 va en effet propulser le patron du futur "Combat" sur un plan national et même international. Jean Moulin, en "gonflant" l'importance des effectifs des premiers mouvements et en décrivant l'action du MLN dans le rapport qu'il rédige au Portugal en attendant un passage pour l'Angleterre, transforme le mouvement fondé par Frenay en une organisation plus importante qu'elle ne l'est réellement.
Robert Belot dit que l'impact de cette enquête spontanée effectuée par Moulin et que l'ex-préfet rapporte avec lui à Londres, est essentiel pour l'avenir - politique, militaire et financier - du mouvement de Frenay. Le patron du MLN acquiert une crédibilité et devient un des répondants incontournables (car un des seuls repérés par Moulin)pour les Anglais et le bureau de Passy. Moulin par souci d'équité a remis un rapport aux deux services.
À cette date, Frenay subit toujours l'influence de cette "mystique Pétain", mais avec des réserves de plus en plus importantes. Les rencontres répétées et les débats avec des intellectuels chrétiens-sociaux (de la tendance Emmanuel Mounier, par ex.)le conduisent à se poser des questions sur la nature réelle du régime vichyste qu'il défend encore à travers la figure de Pétain... On perçoit bien le mal causé par le maréchal et sa propagande "apolitique" chez les cadres de l'armée d'armistice: ces officiers ne peuvaient tout simplement pas admettre que le vieux chef collaborât avec Hitler et ses représentants en France. Frenay, comme ceux qui commencent à exprimer quelques doutes accusent l'entourage de Pétain mais sans oser s'attaquer à lui. Il faudra attendre de longs mois avant de pouvoir constater le basculement anti-vichyste du chef de "Combat".
Concernant le gaullisme de Frenay, contrairement aux témoignages de certains de ses compagnons de lutte et de ses mémoires ("La nuit finira"), au moment de la rencontre avec Moulin et jusqu'au retour de ce dernier en France avec l'ordre de mission du général de Gualle, Henri Frenay n'est pas gaulliste... ni antigaulliste d'ailleurs. Il croit que seule la lutte sur le territoire est réellement efficace pour unir la population, même s'il n'insulte pas l'avenir en suivant avec une sympathie empreinte de scepticisme l'action de la France libre.(Emmanuel d'Astier est déjà convaincu de la nécessité d'avoir un symbole fort en la figure du général de Gaulle. Nous verrons que Frenay aura un cheminement différent et paradoxal.)
En absorbant le jeune et modeste mouvement "Liberté" de François de Menthon le 28 novembre 1941, le MLN va devenir "Combat" du nom du journal qui a remplacé "Vérités", alors l' organe du mouvement et dont le premier numéro sous ce nouveau nom sort en décembre 1941.
Emmanuel d'Astier qui a créé "Libération" de tendance "progressiste et syndicaliste", s'il accepte un contact suivi de coordination inter-mouvements, refuse tout net de fondre sa petite organisation dans ce qui va devenir "Combat".

Cordialement,

René Claude