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Histomag 39-45 / Forum LE MONDE EN GUERRE

En réponse à -4 -3 -2
-1Speidel non fiable de françois delpla

A qui se fier ? Shirer ? de Francis Deleu le lundi 15 décembre 2008 à 18h01

Bonsoir,

William Shirer est plus prolixe que ses confrères historiens. Il mentionne également l'approche d'avions alliés qui oblige les dignitaires allemands à se réfugier à l'abri du bunker.
Rundstedt et Rommel décidèrent qu'il était temps de le dire à Hitler et de lui demander d'en accepter les conséquences. Ils organisèrent une rencontre, le I7 juin, à Margival, au nord de Soissons, dans le blockhaus perfectionné qui avait été construit pour servir de poste de commandement au Führer pendant l'invasion de la Grande-Bretagne prévue pour l'été 1940 mais n'avait jamais été utilisé. Quatre ans plus tard, le Seigneur de la Guerre y pénétrait pour la première fois...
Il était pâle et paraissait n'avoir pas dormi, devait écrire plus tard Speidel, il jouait nerveusement avec ses lunettes et un assortiment de crayons de couleur qu'il tenait entre ses doigts. Il s'assit, voûté, sur un tabouret tandis que les maréchaux restaient debout. Son pouvoir hypnotique paraissait s'être évanoui. Il leur adressa un salut bref et froid. Puis, d'une voix forte, il exprima avec amertume son déplaisir devant le succès des débarquements alliés, essayant d'en rejeter la responsabilité sur les généraux commandaient sur les lieux.
Mais la perspective d'une autre défaite plus terrible encore donnait courage aux généraux, ou du moins à Rommel, auquel Rundstedt laissa le soin de parler quand la diatribe de Hitler à leur encontre subit une pause momentanée : « Avec une franchise impitoyable, raconte Speidel, qui était présent, Rommel fit observer... que la lutte était sans espoir contre la supériorité (alliée) dans les airs, sur mer et sur terre. » Pas totalement « sans espoir » pourtant, si Hitler voulait bien renoncer à l'idée absurde de tenir chaque pouce de terrain, pour rejeter ensuite les Alliés à la mer. Avec l'assentiment de Rundstedt, Rommel proposa, au contraire, de se retirer hors de portée de l'artillerie de marine et d'éloigner les blindés du front pour les reformer en vue d'une bataille ultérieure livrée « hors de portée des canons de la flotte », et qui pourrait peut-être entraîner la déroute des forces alliées.
Le Seigneur de la Guerre ne voulait pas entendre parler de repli. Les soldats allemands devaient attendre de pied ferme et combattre. Le sujet lui était de toute évidence déplaisant, et il passa rapidement à un autre. Dans un discours que Speidel qualifie de « bizarre mélange de cynisme et de fausse intuition », Hitler assura à ses généraux que la nouvelle arme, le V-1, venait d'être lancée pour la première fois, la veille, sur Londres, « serait décisive contre la Grande-Bretagne... et amènerait les Anglais à demander la paix ». Quand les deux maréchaux voulurent attirer l'attention de Hitler sur l'échec complet de la Luftwaffe à l'Ouest, le Führer rétorqua que « des quantités de chasseurs à. réaction (les Alliés ne possédaient pas d'avions à réaction et les Allemands venaient tout juste de les mettre en fabrication) chasseraient bientôt les aviateurs anglais et américains des cieux ». « Puis, dit-il, la Grande-Bretagne s'effondrerait. » Là-dessus, l'approche des avions alliés les contraignit à se transporter dans son poste de commandement protégé.
En sécurité dans cet abri souterrain bétonné, ils reprirent l'entretien, [*] et Rommel insista pour le faire porter sur des questions politiques.
Il prédit (raconte Speidel) que le front allemand de Normandie allait s'effondrer et que l'on ne pourrait s'opposer à une percée alliée vers l'Allemagne… Il doutait fort que l'on pût tenir sur le front russe. Il fit remarquer l'isolement politique absolu dans lequel se trouvait l'Allemagne... Il conclut... en demandant avec insistance qu'un terme fût mis à la guerre.
Hitler, qui avait interrompu Rommel plusieurs fois, finit par le couper brutalement: « Ne vous préoccupez donc pas du cours futur de la guerre, mais plutôt de votre propre front d'invasion. »
Les deux généraux n'aboutissaient à rien avec leurs arguments, tant militaires que politiques. « Hitler ne prêta aucune attention à leurs avertissements », devait dire le général Jodl à Nuremberg. Finalement, ils insistèrent auprès du Commandant Suprême pour qu'il allât du moins rendre visite au quartier général du groupe d'armées B, commandé par Rommel, afin de conférer avec quelques-uns des généraux commandant les troupes du front au sujet des opérations en cours en Normandie. Non sans réticence Hitler accepta de s'y rendre le 19 juin - soit deux jours plus tard.
Il ne s'y rendit jamais. Dans l'après-midi du 17 juin, peu après le départ de Margival des maréchaux, un V-1 mal réglé, qu'on venait de lancer sur Londres, fit demi-tour et atterrit juste au-dessus du blockhaus où se trouvait le Führer. Personne ne fut tué ni même blessé, mais Hitler en fut si frappé qu'il partit immédiatement pour un endroit plus sûr, ne s'arrêtant qu'une fois parvenu dans les montagnes de Berchtesgaden.

[*] Cet entretien dura de 9 à 16 h. avec une interruption pour le déjeuner - raconte, Speidel - au cours duquel Hitler mangea une énorme assiette de riz et de légumes goûtés au préalable par un subalterne. Sur la table, devant lui, étaient alignés des pilules et des verres à liqueur contenant des médicaments qu'il prenait à tour de rôle. Deux S.S. se tenaient debout derrière sa chaise.
Bien cordialement,
Francis.

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