Bonsoir ou Bonjour,
La lecture du livre de Robert Belot, "Henri Frenay, de la Résistance à l'Europe" (coll. Univers Historique/Seuil 2003) est passionnante car cette étude biographique fine et remarquable fait voler en éclats les clichés dans lesquels les partisans d'une historiographie catégorielle un peu nivelleuse avaient enfermé le fondateur de "Combat". (Pour ne pas parler de la représentation caricaturale honteuse du chef de "Combat" dans le "Jean Moulin, une affaire française" diffusé par TF1 il y a quelques mois !)
Les recherches de Robert Belot nous forcent à nuancer et à replacer, par exemple, la contestation du pouvoir gaullien par un Frenay méfiant , un pouvoir qu' incarne en 1942-43 un Jean Moulin devenu le délégué très autoritaire du général auprès des chefs des grands mouvements. L'enquête du biographe nous apprend que le jeune officier eut une évolution politique constante dès les années 30 après ses 34 mois en poste au Levant.
La position européenne et fédéraliste que défendit dès les années 5o Frenay trouve déjà sa source dans sa prise de conscience du danger que représente l'exacerbation des nationalismes durant les années 30
Par paresse, par commodité et aussi par souci de ne pas s'en prendre aux certitudes consensuelles et à leurs défenseurs méfiants, on a pris l'habitude de classer Henri Frenay parmi les chefs à droite/ de droite, apolitique et sans vraie réflexion sociale pour l'après-guerre. (J'ai moi-même aussi reproduit ces clichés dans certains des messages déposés ici...ou ailleurs)
Or, pour citer son tout récent biographe : "...contrairement à ce que l'on tient pour établi, l'itinéraire de Frenay semble militer en faveur de la thèse d'une CONTINUITE RELATIVE entre son engagement résistant et son avant-guerre. La guerre n'est pas pour lui une surprise. Il s'y est préparé depuis sa rencontre avec BERTY ALBRECHT et a eu conscience avant la moyenne des Français de la spécificité dramatique de ce nouveau conflit. C'est précisément la caractère inédit de la menace nazie, irréductible aux schémas hérités de la première guerre mondiale, qui favorise dès les années 1930 des rapprochements (politiques, personnels, sociaux) inattendus, à l'instar de celui, emblématique, qui réunit Berty Albrecht et Henri Frenay. Cette CONSCIENCE POLITIQUE est largement liée à cette rencontre inattendue et improbable qui place d'emblée le jeune officier en dissonance, voire en dissidence, par rapport à son milieu professionnel et familial."
p. 42.
Robert Belot déclarait il y a quelques temps qu'il avait toujours été étonné du manque d'image forte autour de la figure du fondateur de "Combat". Sa biographie exceptionnelle va sans aucun doute y remédier en nous proposant le portrait multiple de ce capitaine atypique qui devint un chef résistant engagé et un citoyen critique militant pour une Europe fédérale.
Cordialement,
René Claude
PS : Ce livre sera déposé dans le forum d'ici quelques jours. |