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L'influence des thèses du CSAR et de l'Action française sur la plupart des hauts gradés de Vichy explique la lenteur avec laquelle Darlan, Bergeret puis, après l'exécution de l'amiral, Giraud ont annulé les mesures discriminatoires imposées par l'Etat français en AFN. Les officiers supérieurs responsables de ce qu'il faut bien nommer une administration néo-vichyste provisoire soutenue par les Américains (avant l'arrivée de de Gaulle et de ses conseillers en mai 1943), ne trouvaient rien à redire à l'ensemble des lois et décrets racistes appliqués en Afrique du Nord.
Christine Levisse-Touzé dans son étude "L'Afrique du Nord dans la guerre 1939/1945" (Albin Michel, 1998) revient sur la mauvaise volonté évidente mise par Darlan - qui fut un adepte enthousiaste des thèses de la Révolution nationale et un collaborateur zélé auprès des nazis - pour ordonner la libération des antinazis et l'abrogation des mesures antisémites.
On voit bien que des éléments issus de la Cagoule sont parvenus à conserver leur influence au sein d'un corps d'officiers de plus en plus réceptif, ceux-là même qui avaient accueilli Pétain sans remettre en question le sens de leur obéissance à un Etat français directement influencé par une idéologie anti-républicaine. Il faudra la pression constante et les menaces répétées des Alliés, Roosevelt en tête, pour forcer un Darlan qui freinait des quatre fers à abroger les lois et mesures discriminatoires. Les mêmes problèmes perdurèrent sous l'administration Giraud qui était lui aussi fortement influencé par l'anti-parlementarisme et l'antisémitisme diffusé par l'extrême droite avant-guerre dans certains cercles militaires. Entre novembre 1942 et juin 1943, l'Afrique du Nord, pourtant libérée par les forces alliées, vécut sous une administration et un régime militaires d'exception de type néo-vichyste sous lequel des rescapés du CSAR surent rester en place assez longtemps avant de pouvoir se fondre dans l'armée française lors de l'amalgame de 1943.
Cordialement,
René Claude |