La description du livre
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| | La vie à en mourir / Guy KrivopisskoEn réponse à -6 -5 -4 -3 -2 11 novembre 1940 en Belgique de Francis Deleu le jeudi 15 novembre 2007 à 17h57Bonsoir,
L'appropriation partisane de cette manifestation restera, pour longtemps encore, un beau sujet polémique. Enfonçons encore le clou en rappelant que l'initiative - le choix du jour (11 novembre) et le choix du lieu (L'Etoile) - émane de la France Libre à Londres.
Et en Belgique ? Comparaison n'est pas raison mais tout de même. Consultons le "Journal de guerre" [*] de Paul Struye, membre du barreau de Bruxelles, exerçant une plume "résistante" dans " La Libre Belgique" clandestine, journal de centre-droit qui appela à la manifestation.
Les jours qui précédèrent le 11 novembre (extraits) Samedi 9 novembre 1940
On vend partout des insignes tricolores. Au début de l'occupation, on portait des couronnes royales. Maintenant, les drapelets tricolores domines. Parfois des drapeaux "De Gaulle": bleu, blanc, rouge avec croix de Lorraine. Les Anglais se vendent en cachette. (...)
Un mot d'ordre ayant circulé : "Tous au Soldat inconnu lundi à 11h", les bourgmestres viennent de signer une affiche annonçant que toutes les manifestations au Soldat inconnu ou aux autres monuments sont interdits (...)
On attend dans la fièvre cette journée du 11.Dimanche 10 novembre 1940 (...) Le nombre de cocardes ornées d'insignes tricolores augmente. Du monde au Soldat inconnu. Six agents gardent le monument anglais. Scène pénible: l'un d'eux enlève une fleur qu'on avait sans doute réussi à jeter par-dessus la balustrade, il la dissimule sous sa pèlerine et s'en va pas très fier, la mettre en lieu sûr. Est-ce bien le rôle d'agents de police belges ?
Lundi 11 novembre 1940 (in extenso) A 10 h 30, de nombreuses personnes, la plupart avec insigne tricolo défilent devant le monument anglais. Les messieurs se découvrent et se recueillent. Des femmes sont porteuses de fleurs qu'une forte garde de policiers leur interdit de déposer.
Plus on approche de la rue Royale, plus la foule devient dense et plus les cocardes tricolores sont nombreuses. Beaucoup de gens reviennent déjà du Soldat inconnu.
J'y arrive vers 10 h 45. Une foule immense défile en cortège en S, canalisé par la police. Il y a de tout dans cette foule. Beaucoup d'étudiants en casquettes de l'Université de Bruxelles ou en toques d'astrakan des Facultés catholiques. Des femmes, des jeunes filles, d'anciens combattants de 14-18, porteurs de leurs décorations. De petites gens. Des prêtres. Beaucoup sont porteurs de fleurs que les agents les autorisent à déposer, à condition qu'il n 'y ait ni cartes ni inscriptions.
Le cortège avance lentement, avec beaucoup de calme et de dignité.
A 11 h, des cris s'élèvent: «Onze heures! Silence!» Chacun s'immobilise. Le défilé s'arrête. Un long silence. Puis, la Brabançonne est chantée et Vers 1'Avenir et encore la Brabançonne. Et des cris mille fois répétés: « Vive le Roi! Vive la Belgique!»
Je suis à ce moment devant l'escalier qui descend vers la tombe. Le coup d'oeil, dans cette claire matinée doucement ensoleillée, est émouvant! Des gens pleurent. En bas, les manifestants agitent leurs chapeaux et leurs mains. Ceux du haut leur répondent.
Un ancien combattant, couvert de décorations, se hisse sur la balustrade et crie à pleine voix: « Vive la Belgique! Vive le Roi! On les aura! » Les trois cris sont répétés avec enthousiasme par la foule. Quelques cris « Vive l'Angleterre!». D'autres plus nombreux: «Vive le Congo!»
Le défilé reprend. On chante «Flotte, petit Drapeau!» et d'autres chant patriotiques.
Cependant, dans le bas, à gauche de la Colonne, des remous se produisent dans la foule et on entend des huées. La police arrête le défilé. Mais les manifestants forcent, sans violence, les barrages de police. Des centaines de personnes se trouvent ainsi réunies devant la tombe du Soldat inconnu, où les gerbes s'amoncellent. De nouveau, la Brabançonne et Vers 1'Avenir sont chantés avec émotion.
Mais une série d'autos et de motocyclettes allemandes traversent la rue Royale. Des groupes sifflent et huent. On entend une détonation (André Delacroix m'a dit, dans la suite, avoir vu un officier allemand qui, sans être menacé, a tiré dans la foule. Il y a un blessé qu'on emmène dans une ambulance, salué par les acclamations de la foule). Les manifestants se dirigent vers la place Poelaert, en chantant le «Tipperary». Le Soir est, au passage, copieusement hué. «A bas Le Soir! Vendus! », etc. La foule s'excite et continue à huer et injurier les soldats allemands malgré les appels au calme de quelques gens raisonnables (dont je suis). La plupart de ces soldats ont l'air ahuri de ces démonstrations inattendues. Certains rient. D'autres se fâchent. Un vieillard à barbe grise est appréhendé par l'un d'eux.
Je ne suis pas les manifestants mais, d'après Alex Braun et d'autres, la scène place Poelaert s'est déroulée ainsi: une foule de plusieurs centaines de personnes a forcé le barrage de police devant le monument anglais. On a jeté des fleurs et chanté le God save the King. Nombreux cris: «Vive l'Angleterre!» Des soldats allemands, débarqués d'un camion, sont intervenus, ce qui a provoqué la débandade et des échauffourées. Une dizaine de manifestants, la plupart des femmes, ont été arrêtés. Une jeune femme a administré une gifle à un officier allemand. Une autre est allée, à la barbe des Allemands, déposer des fleurs. Un garçon de café italien qui criait «Vive l'Italie!» s'est fait «passer à tabac».
Quand je suis arrivé, un peu plus tard, toute la place Poelaert était barrée. De même, paraît-il, les abords de la Colonne du Congrès.
Mais on a continué à jeter des fleurs, du tram en marche, au Soldat inconnu aussi bien qu'au monument anglais.
Le monument Gabrielle Petit, celui aux Aviateurs, celui de l'Infanterie ont été abondamment fleuris et visités.
(...) Impression générale: on a évidemment eu tort de huer les soldats allemands, mais il est bon que la population ait trouvé l'occasion de manifester son hostilité à l'endroit de l'occupant. A 17h, vais avec Poum «en ville». Sur le tram, tout le monde se découvre devant le monument anglais.
Bien cordialement,
Francis.
[*] Le Journal de guerre de Paul Struye a été publié, il y a peu, par ses héritiers. |
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