> ... Je trouve que Nicolas argumente plutôt bien, mais une
> chose me chiffonne : sa façon de stigmatiser la "méthode
> Baynac"; j'ai dit moi-même que cet auteur manquait de
> rigueur,
C'est le moins que l'on puisse dire.
> je crois même avoir dit qu'il commettait des
> erreurs de méthode.
Il serait sans doute plus exact d'écrire qu'il en commet beaucoup...
> Mais le fait d'ériger cette critique en
> système peut (malgré des précautions que prend et des
> nuances que fait Nicolas) conduire à jeter le bébé avec
> l'eau du bain et à louper dans le livre des passages
> intéressants.
Je ne nie pas que l'ouvrage comporte des éléments intéressants, sur quelques pages - ainsi les passages consacrés aux manoeuvres d'intoxication alliées.
Toutefois, ce que je qualifie de "méthode Baynac" (l'expression est de Daniel Cordier) existe bel et bien, et se retrouve pour ainsi dire systématiquement dans le Présumé Jean Moulin : caricature de la thèse adverse par tronquage ou sélection de ses arguments les moins forts, interprétations hors-contexte, sollicitation excessive des documents, règlements de comptes avec Daniel Cordier et Pierre Péan, inexactitudes, omissions, sélection des documents et des témoignages...
Je ne me fais pas l'avocat de Daniel Cordier, dont la monumentale biographie de Jean Moulin comporte quelques erreurs - dont il ne faudrait pas exagérer la gravité -, et qui, je pense, a parfois été victime de sa propre méthodologie - voir un exemple de cette dérive dans sa manière de considérer les témoignages des époux Aubrac, en 1997. Mes conclusions sur le livre de Jacques Baynac n'engagent que moi, et sont absolument indépendantes de toute école historique ou clan universitaire.
Pour faire bref, et avec toute la subtilité que je dois au lecteur : j'estime que ce livre est nul sur le plan historique (le coeur de ses thèses) parce qu'il est nul sur le plan historique, et j'ai l'impression de ne pas être le seul à formuler une telle pensée. Point barre.
> Je pense en particulier au premier séjour de Moulin à
> Londres et à sa critique de la théorie du "coup de
> foudre".
Précisément. L'exposé du premier séjour de Jean Moulin à Londres par Jacques Baynac constitue une autre illustration de la "méthode Baynac" : attaquer Daniel Cordier (voir le méli-mélo fort peu utile sur la date de la rencontre), caricaturer la thèse adverse (ladite théorie du "coup de foudre" n'a été véritablement défendue, et non sans nuances, que par Daniel Cordier, les autres biographes et spécialistes étant encore plus nuancés), ne pas tenir compte du contexte (Moulin défierait De Gaulle en continuant de dialoguer avec les Britanniques !), et conclure abruptement à l'amorce d'un bras de fer entre les deux personnages (voir la manière dont Jacques Baynac interprète la symbolique du lieu de la première rencontre - bon commentaire, à ce propos, par Eric Roussel dans Le Figaro).
Or, si Jean Moulin n'est certes pas tombé dans les bras de De Gaulle, il n'en a pas moins scellé un pacte avec lui, et reconnu la grandeur du personnage, rassuré qu'il était de ne pas tomber sur un apprenti-dictateur. Bref, la rencontre Moulin-De Gaulle a moins été un "coup de foudre" - et pas besoin d'attendre Jacques Baynac pour le savoir - que le début d'une estime réciproque entre deux hommes d'exception. Pas le temps d'apporter des précisions aujourd'hui, mais on peut en causer, si vous voulez. |