Bonjour
Pas eu le temps de lire le livre, ni celui de Max Lafont, mais j'avais lu en son temps celui de Patrick Lemoine et l'avais trouvé plutôt convaincant. Pas seulement parce qu'il avait un mot de sympathie pour Lucie Aubrac au plus fort des attaques contre elle et au plus bas des anticorps universitaires contre ces attaques.
Mon souvenir est un peu lointain mais il me semble qu'il met en cause le préfet Angeli et, par ricochet, Laval, plutôt que le régime de Vichy dans son ensemble. Ce serait donc une tendance dure, reliée par un fil direct à Berlin, qui serait en cause.
Le présent livre ruine cette thèse et c'est sûrement une bonne chose. Il faut rappeler (le fait-il ?) que Hitler lui-même était loin de tuer toujours et partout les "fous" : l'action T4 est tardive, secrète, partielle et assez vite officiellement suspendue.
Reste, comme le dit Francis, l'ampleur du nombre des victimes. Les résumés disent que les médecins ont réclamé des rations supplémentaires et qu'on leur a répondu que tout le monde avait faim. Or tout le monde n'était pas au-dessous du minimum vital et dans les asiles on y était. La négligence a bel et bien atteint un niveau criminel, et l'air du temps pouvait bien -là est en tout cas le point sur lequel on attend l'historien- jouer ici son rôle. Non seulement par l'idée diffuse que les handicapés étaient des sous-hommes, mais par la passivité devant les pillages allemands au nom du moindre mal.
O que oui, Vichy ne me semble pas devoir être exonéré d'un revers de main.
Quant à Lemoine, il avait des ennuis professionnels sérieux pour avoir dégotté dans les greniers les archives du Vinatier sur la mortalité elle-même, bien plus que pour son explication politique du crime.
D'une façon générale, je n'aime pas beaucoup que les historiens s'emparent d'un sujet jusque là laissé aux amateurs et arrivent tout bardés de leçons sur les insuffisances de leurs prédécesseurs. Un peu de modestie sied au jardinier quand il se décide à défricher après avoir laissé si longtemps faire la nature. |