Le projet de Groussard à Londres : - Service secret - forum "Livres de guerre"
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La description du livre

Service secret / Georges A. GROUSSARD

 

Le projet de Groussard à Londres : de René CLAUDE le lundi 10 février 2003 à 00h25

Bonsoir ... bonjour,

En 1941, le général Huntziger conseille à Groussard qui veut prendre contact au plus vite avec les Anglais et de tâter le terrain du côté de de Gaulle, mais sans le mentionner à Pétain et à certains membres de l'entourage viscéralement antigaullistes. (François Kersaudy le mentionne dans un article sur le Dr Ménétrel, qui était toujours très bien informé des initiatives secrètes à Vichy) Voici ce qu'écrit le colonel :
"A mes yeux, une des raisons principales de ma présence à Londres était de rencontrer Charles de Gaulle. Ma mission était double selon Huntziger lui-même, puisqu'il m'avait donné son accord pour que je tente de réaliser une entente (ou au pis aller des ententes) entre :
1° certaines personnalités de l'Etat de Vichy et le Gouvernement britannique.
2° certaines personnalités de l'Etat de Vichy et la France libre, Ma mission "officielle" impliquait forcément, par conséquent des entrevues avec les Français combattants." (...) Aussi bien étais-je exactement au courant des fonctions de Passy à Londres, quand je réclamai d'être accueilli par lui à mon arrivée en Angleterre. On m'avait dit par radio : "Ne préférez-vous pas être reçu à votre descente d'avion par quelqu'un d'autre que Passy ?" J'avais répondu non. Je comprenais déjà, en réfléchissant à la question qu'on m'avait ainsi posée, que les Anglais n'aimaient pas trop qu'un envoyé de Vichy eût des contacts poussés avec un officier de l'E.-M. de de Gaulle." (p.197)
De Gaulle étant malheureusement loin de Londres à cette période, c'est Passy qui reçoit et écoute Groussard avec courtoisie. Ce dernier lui explique qu'il a l'impression que les hauts responsables anglais avec qui il a parlé (Churchill et Eden) n'apprécient pas vraiment ses contacts avec la France libre tout en le laissant approcher les gaullistes... Le fait est que les services anglais n'ont pas empêché Groussard de rencontrer Passy, chef du BCRA alors qu'ils en avaient les moyens. Le colonel le précise en disant que Passy en rajoutait un peu dans les reproches à l'égard de Churchill.
En revanche, il lui fut impossible, dans un premier temps, d'avoir un entretien avec Dejean, directeur des affaires politiques de la France libre...Churchill avait mis son veto. le colonel explique que les factions Laval et Darlan poussaient dans le sens d'une collaboration plus complète avec le Reich et que cette position inquiétait des membres de l'Etat français à Vichy. Groussard précise que s'il se fait l'écho de cette grogne, il n'intervient auprès du BCRA pour l'instant qu'à titre personnel. Les combats de Syrie rendent les difficultés insurmontables, les chefs vichystes excluent tout contact, même officieux avec les gaullistes. Plus concrêtement si Groussard est à Londres c'est pour coordonner le travail clandestin du renseignement entre les différents réseaux. Là, il arrive avec des "biscuits" car les Groupes de Protection dont il est encore le chef servent aussi de couverture à des activités secrètes. Ces réseaux couvrent déjà l'Italie, la Suisse, la zone occupée, L'Alsace-Lorraine, l'Allemagne, la frontière espagnole et l'Espagne. Groussard annonce alors à Passy qu'il est disposé à faire bénéficier la France libre de la récolte de renseignements de ces différents réseaux, à condition qu'ils soient employés "à plein" et que Passy débloque des fonds. Passy le remercie et lui dit qu'il devait en référer au général Petit, chef d'Etat-Major de la France libre. Il écrit qu'il ressentit alors les frictions qui existaient entre les différents responsables de la France libre, mais aussi les réticences anglaises vis-à-vis des free french :"les Anglais répugnaient visiblement à se lier tout à fait à de Gaulle en reconnaissant celui-ci comme la seule autorité pouvant diriger les Français résidant hors de la métropole." (p.203-204)
Cet entretien avec Passy se déroula le 21 juin 1941.
Le lendemain, alors que la Wehrmacht vient d'attaquer l'URSS, Groussard revoit Passy et fait un tour d'horizon du personnel politique de Vichy qu'il présente comme très remonté contre les Anglais, quoiqu'anti-allemand. Seuls Huntziger, Lacaille et Ménétrel sont informés de ses démarches à Londres. Il prétend ensuite que si sa mission réussit, Huntziger lui a promis la direction des trois SR Guerre, Air et Marine. Passy ne lui semble pas convaincu...mais ne ferme pas la porte. Groussard dit redouter surtout Darlan. Si l'amiral était informé de sa mission, il le ferait immédiatement arrêté dès son retour en France. Parallèlement, il poursuit ses entretiens avec les responsables anglais, politiques et militaires. C'est le second but de son voyage, mais il souhaite jouer franc jeu et en informer Dejean. Le Foreign Office ne voulait pas entendre parler d'une rencontre entre l'envoyé de Huntziger et le responsable des affaires politiques de la France libre. La méfiance entache les rapports entre le BCRA et les Anglais et ça ne s'arrangera pas. Il s'obstine et voit Dejean, malgré l'hostilité britannique. Mais Dejean lui fait vite comprendre qu'il n'est pas convaincu du tout. Groussard en retire une impression négative. Son dernier entretien sera pour le général Petit avec lequel il conviendra d'un accord provisoire entre le SR de la France libre et lui.
Il devra toucher de quoi financer ses réseaux pendant deux mois à la suite de quoi ils aviseront. Et il conservera son autonomie, les actions étant menées sous son unique responsabilité.
Groussard écrit que le résultat de ces contacts avait largement dépassé ses attentes. Il pensait voir de Gaulle lors de son prochain séjour à Londres.
Rentré à Vichy, Huntziger lui reproche ses initiatives envers la France libre alors que son chef n'était pas à Londres. Huntziger a la trouille que son nom s'ébruite et il tance Groussard plutôt vertement. Groussard lui rétorque qu'il ne pouvait pas ne pas mettre au courant Passy de sa mission. Le BCRA l'aurait su d'une manière ou d'une autre et il aurait perdu toute crédibilité auprés de la France libre.
Il affirme avoir été loyal. Huntziger se calme mais dit à Groussard qu'il est suivi par les agents allemands et des gens au service de Darlan. Les propositions d'armistice des Anglais à la fin des combats de Syrie sont inacceptables pour Huntziger qui fait marche arrière et s'en prend à Groussard. (c'est une manie à Vichy ces aller-retours et le besoin de se couvrir pour finalement décider de ne rien faire !) Le 13 juillet Groussard obtient malgré les résistances, les peurs et la méfiance un nouveau passeport de Ménétrel afin qu'il puisse mener à Londres d'autres négociations. Il devait partir le 24 juillet. Pétain fut informé et reçut le rapport de Groussard dans lequel ses contacts avec la France libre n'étaient pas mentionnés.
Il craint alors un coup fourré de Darlan et Pucheu. En sortant de l'hôtel du Prac, il voit qu'il est filé.
Il est arrêté le 15 juillet.

Bon, on peut suspecter légitimement le colonel Groussard de s'être donné a posteriori un beau rôle dans sa tentative d'établir un lien avec Londres et la France libre et comme je n'ai pas encore lu les Mémoires de Passy, je suis obligé de prendre ce récit avec une certaine réserve, même s'il semble sincère...
A l'été 1941, tant à Vichy qu'à Londres, il y avait encore quelques hommes pour tenter de travailler ensemble, mais l'absence de sens politique d'Huntziger, sa fidélité sans nuance à Pétain et la montée en force de la faction Darlan ont fait échouer la mission de Groussard.

Amicalement,

René Claude

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