La seconde partie me paraît plus cohérente et facile à suivre que la première. Du coup, j'ai un peu peur que soit accréditée la version suivant laquelle de Gaulle n'a jamais considéré les pieds-noirs que comme des "braillards" qu'il convenait de faire rentrer sous le joug pour leur faire accepter l'inéluctabilité de la livraison du pays au FLN.
En contrepoint cependant, il convient de remarquer la conversation du 4 juin 1958 avec Alain de Boissieu, militaire de carrière en poste en Algérie, au soir du "je vous ai compris" :
Il ne faut pas que l’armée essaie de me déborder dans cette affaire, de m’imposer une solution, il faudra me suivre dans mes démarches… Dites bien à vos camarades qu’il faut avant tout gagner la bataille sur le terrain, ensuite qu’ils me laissent faire… (…) Dites bien à vos camarades que s’ils désobéissent, s’ils me débordent, s’ils me résistent lors des négociations, à chaque fois je serai obligé de jouer une carte en dessous de la précédente.
Ce qui accrédite l'authenticité de cette importante conversation, c'est que Boissieu, dans ses mémoires (Plon, 1982), dit qu'il avait transmis aussitôt le message et que Salan, Jouhaud et consorts ne le démentent pas... tout en n'en ayant pas parlé dans les leurs.
Plus j'y pense, plus je me documente et plus je trouve frauduleuse l'affirmation suivant laquelle de Gaulle a trompé qui que ce soit sur ses intentions. D'abord elles n'étaient pas si arrêtées, notamment au niveau des délais, ensuite les gens importants partisans de l'AF, les Delbecque, Soustelle, Sérigny, Bidault, Salan, Massu... ont commencé à se méfier dès ce moment, voire dès le 13 mai, mais se sont fait fort de plier petit à petit de Gaulle à leur vues, ou de le briser. Ils ont joué aux petits soldats, ils ont été pliés ou brisés eux-mêmes et ont réagi comme les pires des mauvais joueurs. |