Madame Escarguel vient de passer trente minutes avec moi au téléphone ! des larmes et une belle histoire qui plaira a Jacques !
Je vous l’ai dit, mon père faisait les marchés avant et après la guerre. Il vendit un temps des tissus et s’approvisionnait dans une usine de Marseille, les Etablissements Escarguel. Un jour qu’il parlait avec le patron, Paul Escarguel, amputé d’une jambe, ils en vinrent à parler de la guerre et… de la France Libre. Et se découvrirent un passé commun (inconnu pour moi !) ils étaient tous deux au BM 4 – mais pas à la même époque, il faut le souligner !
Mr Paul Escarguel s’était engagé au Cameroun et fit le chemin avec les FL (je résume, car je ne connais pas le détail) jusqu’en Syrie. Là, au cours des combats (et quels combats !), il fut grièvement blessé en sautant sur une mine, une jambe déchiquetée.
Pendant ce temps (août 41), Jeanne Escarguel, jeune fille de bonne famille résidant avec ses parents en Syrie, était employée à la Délégation de France ( c’est quoi ?), et engagée volontaire civile dans la France Libre, elle visitait des malades à l’hôpital de Damas … un jour, quelqu’un de l’état-major FL, la sachant bonne et souriante, la fit venir pour assister un grave blessé dans ses derniers instants de vie. Ce blessé était Paul Escarguel, il avait déjà reçu l’extrême onction. Miracle de la bonté - ou du coup de foudre, le blessé guérit petit à petit, grâce aux visites de sa bienfaitrice. Il se marièrent en novembre 1943.
Début décembre 43, Paul eut l’occasion, une sorte de passe-droit, dit-elle aujourd’hui, de revenir en France en « qualité » de grand mutilé de guerre, à bord de l’Emile Bertin. Il accosta à Toulon, entièrement détruit. Jeanne resta en Syrie un temps, puis en Palestine, en Egypte, toujours auprès des blessés.
Désirant rejoindre son mari, elle se fit passer pour femme d’officier et tenta un retour en France fin 44.
Elle resta 15 jours dans une sorte de camp de prisonniers Italiens près d’Alexandrie. Puis embarqua à bord d’une sorte de Caravelle qui l’emmena à Tarente. Elle prit ensuite un train complètement en ruine pour rejoindre Naples, où elle resta 10 jours, dans des hôtels louches. Et enfin accosta à Marseille en mars 45, où elle retrouva son époux.
Elle servit donc dans les FFL de 41 à 44. En 1941-42, « Visiteuse de blessés » et « archiviste au bureau militaire (vichyste) » elle eut quelques ennuis, car dit-elle, elle n’avait pas sa langue dans sa poche et affichait un peu trop son engagement parmi les « gaullistes ». Elle fut dénoncée et menacée de représailles. Elle eut peur. Une amie, qui venait d’épouser un officier FFL et quittait son poste, lui proposa de prendra sa place au Consulat de France.
Elle connaissait (de loin), « la Miss », Susan Travers…
Je lui ai parlé de la photo de Mr Massa. Elle doute d’y figurer, car il lui semble qu’ils n’avaient guère le loisir de prendre des photos, mais qui sait ?…. elle ne se souvient pas de tous les détails, elle a 84 ans. Je vais la lui envoyer, en même temps que mon livre, que je lui offre en souvenirs de nos belles années, quand nous passions tous ensemble d’amicales et nostalgiques soirées FL dans sa grande maison de Marseille, avec Paul et les autres…
Elle m’a, en outre, indiqué à la fin que je suis désormais l’une des rares personnes de ma génération à connaître le résumé de son histoire, qu’elle n’a jamais raconté à ses propres enfants !!!
Voilà, pas mal de pistes historiques, pour ceux qui ont lu en long en large et en travers l’histoire des combats FL d’avant 43. Le Cameroun, le BM4, la Délégation française en Syrie, l’Emile Bertin rapatriant des blessés mutilés à Toulon en dec. 43, le Consulat de France à Damas, après 41, le camp de prisonniers Italiens près d’Alexandrie, la Caravelle Alexandrie-Tarente etc etc….
J’ai promis à Mme Escarguel d’aller lui rendre visite lors d’une de mes descentes dans ma région natale.
Heureuse d’avoir brièvement reconstitué cette histoire « d’amour et de Français Libres »…
A bientôt. Frédérique
PS, Jacques, ou Mr Massa: pouvez-vous m'envoyer sur mon mail le fichier de la photo, en meilleure définition, pour que je l'imprime et l'envoie à Jeanne Escarguel. Merci! |