Bonjour,
Je trouve aussi que Philippe Leclerc est emblématique de cette génération de "rebelles" qui a gagné, en même temps que ses galons, le droit d'affirmer son désir d'une France réformée en profondeur.
Bien sûr cette évolution ne s'est pas produite en deux mois, même si la cassure de juin 40 fut le signe d'un non-retour vers le vieil ordre de l'armée et des structures vermoulues de la IIIe République.
Quand on lit certains "journaux" de FFL, on perçoit bien l'esprit frondeur, audacieux et pas toujours respectueux de la vieille hiérarchie qui régnait entre 40 et début 43 dans les détachements souvent "autonomes" de ces soldats des déserts et savanes africaines...Il y a un esprit "brigades internationales" qui surgit ici ou là montrant que quelque chose était en train de se passer qui échappait aux rigidités du tableau d'avancement !
Après l'amalgame avec les cadres souvent attentistes, quand ils n'étaient pas favorables à Vichy, de l'armée d'Afrique, ces hommes (ainsi que quelques femmes) n'allaient pas laisser "au vestiaire" leur mode de vie et leur vision du monde que l'âpreté des combats avait modifié réellement.
On pouvait ne pas être gaulliste ou communiste et pourtant désirer un profond changement dans le pays qu'on allait libérer.
Le désenchantement pointa dès 1945, avec le retour de cet ordre conservateur auquel se raccrochèrent, soulagés, ceux qui n'étaient pas très fiers de leur position politique et militaire entre 40 et 43, mais aussi les ministres provisoires qui pratiquaient en accord avec de Gaulle une "real politik" qui dut aller à l'essentiel : résister à certaines exigences alliées, rétablir les communications dans le pays dévasté et contenir certaines bandes armées
plus ou moins en liaison avec le PCF, etc.
De Gaulle fut toujours un homme d'ordre; les ex-FFL s'en sont aperçus entre 44 et 46... Moulin et Leclerc sont morts trop tôt pour avoir eu une influence suffisante sur un homme qui dut prendre sur lui afin de combattre son héritage culturel quand en 1958-60, il opta pour la fin du colonialisme français en Afrique du Nord.
L'aventure sans la réflexion conduisit à l'impasse : certains jeunes officiers, ex-FFL, se sont réengagés pour l'Indochine et ont quelques fois basculé dans l'engrenage répression-tortures-exécutions, oubliant qu'ils s'étaient eux aussi battus contre une puissance qui avait envahi leur pays en mai 40...
Symboliquement, l'accident d'avion qui tua Leclerc signa le fin politique d'un certain état d'esprit "free french".
Les "grandes personnes" avaient déjà retrouvé leurs fauteuils...
Cordialement,
René |