Santoni fait ainsi allusion à une certaine littérature italienne de l'après-guerre, un peu trop hâtivement jugée "nostalgique" (même si ce fut probablement le cas chez certains auteurs-protagonistes)qui accusait ouvertement de trahison les hautes sphères de la Regia Marina, jugées anglophiles. Ces idées de "trahison" avaient d'ailleurs été souvent énoncées après les déboires d'opérations terrestres, comme à Alam el Halfa ou à Médénine (entre autres). Les Allemands se firent les premiers relais outragés de ces "bruits de couloirs", amplifiés par la presse britannique évoquant les fameuses "indiscrétions romaines". Ils ont bien dû se marrer à Bletchley Park! Semer la discorde chez l'ennemi et en même temps "cocooner" le plus grand secret de la guerre!
Les témoignages d'anciens combattants italiens (ou allemands) ne pouvaient qu'appuyer les thèses de trahison défendues par certains (dont Trizzino). Le vice-commandant du croisuer RN Pola coulé à Matapan en mars 1941 avait raconté avoir vu sur le pont du croiseur britannique qui l'avait tiré d'une Méditerranée glacée tous les mouvements des divisions de croiseurs de la Regia Marina en mer Egée, datés de deux jours... Vision réelle, conclusions erronées... puisqu'il fallut attendre les années 70 pour que les Britannques lâchent le secret d'ULTRA.
ULTRA fut réellement le vainqueur de la guerre en Méditerranée, et peut-être de la guerre "tout court". Les Allemands, dans leur infinie certitude des races supérieures (Clemenceau s'en plaignait dès 1885...), n'imaginaient pas que leur ENIGMA fût faillible. Les 2.303 marins italiens qui moururent écrabouillés par une pluie d'obus de 381 mm en cette nuit froide de mars 1941 ne le durent qu'à la stupide arrogance de leur "infaillible" alliée, toutes les nations se masturbant aujourd'hui encore devant leur "inégalable valeur guerrière". La Mediterranean Fleet, au regard de tout ça, n'eut réellement aucun mérite (si les Italiens avaient eu l'équivalent d'ULTRA et qu'ils avaient envoyé par le fond, à bout portant, des navires britanniques dans des conditions similaires, on aurait dit "c'est pas du jeu"... j'en mettrai ma main au feu). Cela rend d'autant plus remarquable le passage des convois vers l'Afrique, que la marine anglaise fut incapable de museler malgré cet avantage monumental (lire dans le jeu de l'adversaire, ça aide).En outre , malgré de lourdes pertes, en navires de guerre ou en cargos, Matapan fut la seule véritable défaite (mais quelle défaite) de la Regia Marina face à un adversaire "jouant dans une autre division", comme on dit. Cet ouvrage remarquable est difficilement disponible chez nous, les Français, qui plus est, n'étant pas des fanatiques de la langue de Dante (malgré les origines communes).Mais si vous vous procurez le remarquable ouvrage dirigé par M. Ostenc, vous en aurez quelques bribes savoureuses et instructrices, notamment pour ceux qui croient que la propagande britannique et la mauvaise foi teutonne détiennent seules les clés de l'histoire de la guerre en Méditerranée.