Bonjour,
Le journal "Combat", sans doute le plus prestigieux journal de l'époque, mentionnait en sous-titre "De la Résistance à la Révolution" reflétant l'opinion de la plupart des résistants. A cette belle formule répondront quelques temps plus tard "La révolution trahie!" ou "La France a perdu sa libération!" ou encore "La Résistance sacrifiée" [*]...
Que de désillusions et d'espérances déçues ! Pouvait-il en être autrement ?
Ce qui unissait surtout les résistants c'étaient l'hostilité au nazisme, la condamnation du régime de Pétain mais aussi de la IIIe République qui, à leurs yeux, avait conduit la France à la défaite. La Charte du CNR ne proclamait-elle pas :
*** Unis quant au but à atteindre, unis quant aux moyens à mettre en oeuvre pour atteindre ce but qui est la libération rapide du territoire, les représentants des mouvements, groupements, partis ou tendances politiques, groupés au sein du CNR, proclament qu'ils sont décidés à rester unis après la Libération ***
La Résistance qui rassembla des gens aussi différents, rêve que cette unité puisse se maintenir et que l'élite qui a fait ses preuves dans la lutte puisse régénérer le pays.
Cette révolution souhaitée ne verra jamais le jour. Après l'exaltation de juin 1944, la préoccupation des Français est de s'assurer le pain quotidien et non d'écouter ces hommes de l'ombre qui peinent à en sortir.
Dans un contexte de pénuries, de crise économique, de guerre froide, de guerres coloniales, la France retrouvera ses vieux démons qui ne la lâcheront plus.
Le livre de Jacques Dalloz n'est pas une réflexion philosophique comme pourrait le laisser entendre mes "considérations" ci-dessus, mais une étude de la politique et de l'économie française au lendemain de la Libération. Cette étude trouvera sa place au catalogue de "Livres de guerre" pour essayer de comprendre qu'entre l'illusion lyrique et les réalités pragmatiques existent un fossé difficile à franchir.
Terminons par cette phrase que Léon Blum prononça le 20 mai 1945 à son retour de captivité :
*** Depuis huit jours que j'ai touché à nouveau le sol de la France, j'avoue que je suis plein de déceptions et de soucis (...) Je ne trouve pas ce que j'attendais. J'attendais quelque chose qui se fût à la fois trempé et épuré et, sous bien des rapports, j'ai l'impression de me trouver au milieu d'un pays, comment dire, corrompu.... ***
Bien cordialement,
Francis.
[*] "La Résistance sacrifiée" : titre du livre d'Alya Aglan que René mentionne dans les "Brèves" de ce jour. |