Bonsoir,
Pour son Voyage au cœur de l'OAS (Perrin, 2005), Olivier Dard a eu accès à des archives inédites regroupant la correspondance des chefs de l'organisation clandestine, mais aussi de la Délégation générale, de l'Elysée et des différents préfets.
Par exemple, il nous apprend que le Front de l'Algérie Française (Le F.A.F.), regroupement pré-OAS à caractère semi-public, avait prévu et organisé une série d'attentats pour la visite à haut risque du Connétable du 9 au 13 décembre 1960, après la diffusion du message télé du 4 novembre (1960) où le chef de l'Etat utilisa la formule "Algérie algérienne". On imagine l'ambiance parmi les pieds-noirs et une partie des officiers dans les villes et campagnes algériennes ... !
Les renseignements généraux informent l'Elysée d'une opération très sérieuse prévue pour l'étape d'Orléansville, opération qui est confirmée par les services secrets israéliens. Mais le général échappa à un autre projet d'assassinat à Aïn-Temouchent (près d'Oran). Olivier Dard écrit :
Le tueur prévu, Hilaire Géronimo, alors motard de l'escorte du général, a reçu l'ordre de ne rien faire de l'état-major FAF oranais, ce dernier ayant décidé d'ajourner l'exécution sur la foi de renseignements présentant de Gaulle comme un partisan de l'Algérie française.(*) En fait, les civils comme les colonels reculent devant cette action radicale. Le passé, le charisme du Général et l'impossibilité , pour l'heure, de le remplacer par une personnalité de stature comparable permettant à de Gaulle de rentrer indemne en métropole. (p.61)
Ces deux éléments sont intéressants. Une dernière réticence morale à l'assassinat du chef de la France libre est encore majoritaire chez les leaders du FAF, ce qui ne sera plus le cas dans quelques semaines, une fois le FAF remplacé par l'OAS clandestine et radicalisée. Voilà pour l'aspect "affectif". Et l'absence d'un remplaçant crédible sur le plan national est l'élément "raisonnable" ou politique de l'annulation de l'attentat. Là, pas question de nostalgie gaullienne mais le constat d'un manque de personnalité ayant la surface nécessaire.
RC
(*) Plusieurs responsables locaux des RG jouaient un trouble/double jeu. |