Au procès de Pétain, le 1er témoin, Paul Raynaud et le 2ème témoin Edouard Daladier* se sont livrés à un festival d’explication sur la défaite de 40 comme savent le faire les politiciens de profession dont l’activité consiste toujours à démontrer que ceux qui se trompent, ce sont les autres. En ce qui concerne la quantité de nos blindés et de nos armes en général, Daladier lance des chiffres ronds à toute volée ; c’est tout juste si nous n’étions pas surarmés par rapport aux allemands grâce aux efforts demandés au Français par le Front Populaire à partir de 1936 parce que rien n’avait été fait auparavant. Le culot des hommes politiques est incommensurable.
“ Nous avions en mai 1940, 3600 chars, dit Daladier, …et savez-vous avec quoi les Allemands nous ont attaqués …poursuit-il… 3200 dont la majorité étaient des chars légers…” Nous avons envie d’ajouter “ une misère ! ”
Daladier se garde bien de rappeler son panégyrique depuis…1924 ! : 14 fois ministre dont 10 fois ministres de la Défense Nationale, en cumulant 3 fois ce dernier poste avec celui de Président du Conseil (Premier Ministre).
Mais ces politicards ont raison puisque çà marche. Cette idée que la dotation en chars et la puissance en blindés de l’Armée française étaient égales à celles de la Wermacht plait beaucoup depuis un demi-siècle et est reprise en cœur par tous, historiens et pseudo-historiens, généraux soi-disant spécialistes en blindés, exégètes en tout genre de la défaite de 40. C'est une bonne plate-forme de discussion à partir de laquelle ils peuvent rebondir avec plus de force sur les autres causes de la défaite et donner plus de poids à ce que chacun affirme être l’origine principale de la catastrophe : pour les politiques c‘est la médiocrité de l’État-Major. Pour les généraux, ce sont les politiciens de la 3ème république. Pour d’autres c’est la trahison de mauvais Français et tout simplement l’absence de sens civique et encore pour d’autres, les communistes. Et même si c'est un peu tout cela, çà ne change rien aux problèmes posés par nos équipements.
Pétain est dans le coup. "Il n’a pas dépensé tous les crédits qui lui avaient été alloués après 1934 quant il était ministre" etc.…etc.…Comme il l’avait dit à son épouse “tu vas voir qu’ils vont me mettre tout sur le dos” **
Nos blindés en ce qui concerne
ceux qui étaient capables de livrer une bataille de chars et qui n’étaient pas réduits à n’être que de simples accompagnateurs d’infanterie étaient bien inférieurs en nombre à ceux des Allemands à défaut de l’être toujours en qualité. Et puis il y avait tout ce qu’il y avait autour pour appui, par exemple les nombreux canons auto tractés des Allemands, canons de 88 tout usage mais surtout redoutables anti- chars.
Et l’aviation pour appuyer le tout ! Ici encore même discours : “nous avions autant d’avions et ils étaient aussi performants”. Le Morane 406 étaient tout juste au niveau du Messerschmitt 109 et seul, paraît-il, le Dewoitine 520 pouvait rivaliser. Le Curtiss P 36 pêchait par son armement comme d'ailleurs beaucoup d'autres de nos appareils.
Ces considérations rendent encore plus héroïques les performances de nos aviateurs, de nos artilleurs et tankistes en 40 : plus de 300 Messerschmitt abattus. Voir les pertes de la division Rommel :
Je renvoie humblement aux décomptes et aux performances des chars français que j’ai essayés de réaliser à partir des données des archives de notre service de l’Armement :
* “Le procès Pétain”. Frédéric Pottecher. Lattès. 1980
**/ Témoignage de madame Pétain in “ témoignages sur Pétain”. Pierre Bourget. Fayard. 1960
Et déposition de Loustaunau-Lacau au procès Pétain.