Réponse à Khoï et Laurent de la part du colonel viet
1/ Question. Les Chinois faisaient-ils plus que d’accompagner les bodoïs jusqu’aux barbelés ? Autrement dit, participaient-t-ils quelques fois aux combats ?
Mon correspondant, colonel viet en retraite, commandant d’une compagnie lourde du régiment 36 de la division 308 à cette époque, fait manifestement marche-arrière par rapport à ses déclarations antérieures*. Voici ce qu’il répond dans un premier message :
“Quand je vous disais que les conseillers chinois nous accompagnaient jusqu'aux barbelés, c'est au sens figuré. Plus clairement ils restaient aux postes de commandement des bataillons dont ils étaient les conseillers. Pour vous donner une idée où se trouvaient ces Chinois, lors de la bataille de Tu Vu en 1951 ( Bataille de la Rivière Noire ), les emplacements des postes de commandement des bataillons et par conséquent des Chinois, étaient situés à 300/400 m environ des barbelés.
À l'époque, les communications entre les commandants de compagnies et le chef de bataillon pendant les combats se faisaient soit par téléphone soit par agents de liaison. Dès les premiers coups de feu, le téléphone était mis hors d'usage par votre artillerie, il ne restait plus que les agents de liaison à faire la navette. Ce moyen de transmission n'était pas efficace car souvent ces pauvres étaient blessés ou tués en route. Les autres prenaient beaucoup de temps pour accomplir la liaison. Donc à partir de ce moment, les commandants de compagnies et leur Chinois étaient laissés à eux-même. Le commandant du bataillon toujours assisté du Chinois, n'intervenait que quand il s’apercevait de l'incapacité d'une des compagnies à remplir sa mission, soit en lui envoyant des renforts, soit en dépêchant son adjoint pour voir ce qui se passait ?
Les chefs de bataillon et évidemment leurs Chinois, restaient en général à leur poste de commandement pour avoir l'œil sur l’ensemble de l’unité, c'est à dire attendre les rapports des compagnies sur le déroulement des combats apportés par les agents de liaison.
Par l'intermédiaire de ces derniers, ils donnaient ensuite leurs ordres aux commandants de compagnie.
La lenteur due à ces moyens de commandement rudimentaires faisait perdre une grande part de leur efficacité aux directives du chef de bataillon et du même coup rendait indirecte la participation des conseillers chinois aux combats. Que pouvaient-ils faire ce chef de bataillon et son Chinois dans une telle situation, privés des renseignements précis sur le déroulement des combats de l’avant qui se déroulaient à quelques centaines de mètres *.
La présence de ces Chinois comme je l’ai déjà dit, ne dura pas longtemps car, si ma mémoire est encore bonne, vers le milieu de l'année 1951 à l’échelon de l’état-major de la brigade 308, je n’en voyais plus qu’un seul, le camarade Wang, vénérable conseiller de notre brigade, trottinant sur sa bourrique, pas plus grande qu'un veau, suivi de son ordonnance portant aux 2 bouts d'un balancier ses affaires et ses 3 cuvettes (voir contribution précédente).
A l'époque, sans vouloir nous flatter, nous commandants de compagnie, disions que seule la compagnie était l'unité ayant un rôle décisif dans l'application de la manœuvre.”
Mon correspondant viet complète cet exposé le lendemain par un second message destiné à atténuer encore davantage le rôle des Chinois :
“ Aujourd’hui je viens de rencontrer beaucoup de vétérans à l’occasion de la fête du Têt. Finalement les conseillers chinois se bornaient généralement à assister le commandement dans la préparation de l’opération et après les combats à donner leur avis”.
* Commentaires : Manifestement mon interlocuteur par plusieurs revirements, tante de minimiser la présence des militaires chinois au sein des unités viets en 1950 ( en 1950 car il semble vrai qu’à partir de 1951 il n’y avait plus que des coopérants chinois à l’échelon de l’état-major général de Giap ). Il est vrai aussi que ces soi-disant conseillers chinois incultes ( voir communication antérieure) décentralisés à l’échelon bataillon ne devaient pas servir à grand chose.
Il faut comprendre mon correspondant viet et ses camarades de combats qu’il vient de revoir à la fête du Têt : Notre insistance à vouloir trouver des « coopérants » chinois au sein des unités de combat viets est presque indécente de notre part ( de la mienne en particulier ). Tout se passe comme si nous voulions, nous Français, démontrer que non seulement l’aide chinoise en matériel a été déterminante dans leur victoire sur nous mais qu’en plus ils ne s’en seraient pas sortis contre nous sans la participation de soldats chinois. Ce qui est absurde.
Leur sentiment de fierté nationale est mis en cause. Et ils peuvent se dire : “ Nous voilà revenu au temps où les colonisateurs français s’imaginaient que nous n’étions pas des hommes capables d’apprendre à faire tout ce qu’eux savaient faire…”
En ce qui concerne le nombre de pièces de 105 il faudrait retrouver le livre dont fait état le général d'artillerie De Brançion : biographie du général Giap par le général Peter Mac Donald, édition Perrin février 92.
2ème Question : Est-ce que les artilleurs chinois actionnaient eux-même certaines pièces d’artillerie (canons de 105) ? Quel était le niveau de contribution des Chinois en ce qui concerne la DCA ?
Réponse : “ Je peux vous assurer que nous avions des moniteurs chinois qui nous apprenaient à manier les armes lourdes (canons, DCA, mortiers...) mais ils ne se battaient pas à nos côtés. Si vos prisonniers avaient entendu parler chinois dans nos rangs, c'était peut-être nos soi-disant conseillers chinois ou encore les palefreniers chinois qui soignaient les mulets portant les canons, mais tous ces chinois qui pullulaient sur la RC4 à l'époque ne participaient pas directement aux combats. ”
3ème Question :Peut-il me parler de Nguyen Huu An commandant le 174 à DBP ?
Pas beaucoup de détails sur Nguyen Huu An :
Réponse :
“Dans la bataille d'Eliane 2 le 6/5/54, le rôle principal a été confié au Régiment 174 de la brigade 316 commande par NGUYEN HUU AN. Ce Régiment était épaulé par 1 (ou 2 ?) bataillon du Régiment 102 de la brigade 308 placé sous les ordres de HUNG SINH chef-adjoint de ce régiment et LE LINH son commissaire politique.”
Mon correspondant se souvient surtout des malheurs survenus à un des chefs de bataillon dénommé Kha. Celui-ci au décours de la bataille avait voulu se rendre à l’arrière auprès du commandement pour lui communiquer des renseignements ou bien recevoir des précisions sur les instructions. Il fut accusé de désertion et a failli être fusillé. L’accusateur était le commissaire politique Le LINH. Kha a été renvoyé à Hanoï où il a exercé le métier de cordonnier jusqu’à la fin de ses jours. Et mon correspondant enchaîne :
“ Notre pauvre KHA de la 308, d'après des vétérans ses amis, gardera un ressentiment particulier envers LE LINH que je connais bien. Ce dernier est un intellectuel du Parti. Dans un contexte si tragique, celui-ci peut être, avait-il agi selon les préceptes de Tuan Tseu ( le Clausewitz chinois) : Dans de tels moments, un chef doit savoir sacrifier un homme pour sauver des milliers d'hommes. Si c'est ainsi, la guerre c'est vraiment la guerre ”. |