Bonsoir Laurent, bonsoir à tous,
Le mémoire sur les officiers de l'Armée d'Afrique s'annonce passionnant. Patientons jusqu'à sa publication et revenons au général Giraud qui souffrait d'une fâcheuse tendance à signer, sans les lire, les documents qui lui sont soumis.
Robert Murphy, qui ne manque pas d'humour, relate comment Giraud s'évinça lui-même, à l'insu de son plein gré, de la co-présidence du CFLN. De grand matin, Murphy est réveillé par la sonnerie du téléphone. En ligne, le capitaine de vaisseau Viret, officier d'ordonnance de Giraud, le prie de rejoindre dare-dare le quartier général des Français. Murphy se précipite au bureau de Giraud où l'attend un Viret catastrophé qui lui montre les décrets signés par Giraud par lequel ce dernier remet pratiquement tous ces pouvoirs au général de Gaulle.
"Le général [Giraud] sait-il ce qu'il a fait? "demanda Murphy. Viret haussa les épaules d'un air las. Murphy demanda audience à Giraud et lui expliqua le sens des décrets qu'il avait paraphés la nuit précédente. "On ne m'a jamais rien dit de tel !" (*) s'exclama Giraud étonné. Il lut attentivement les documents et Murphy eu l'impression que c'était pour la première fois. Après un moment de réflexion, Giraud haussa les épaules et fit remarquer au diplomate américain qu'il s'agissait là d'affaires purement françaises sur lesquelles il n'avait pas à consulter Anglais ou Américains. Apparemment, ajoute Murphy, cette abdication politique ne lui déplaisait pas: soldat ne songeant qu'au combat, il espérait conserver le commandement des troupes françaises, seule chose qui l'intéressait.
Cette anecdote - que Laurent connaît mieux que moi - pour indiquer combien Giraud était éloigné des préoccupations politiques.
(*) Le maître d'oeuvre n'était autre que Jean Monnet, futur père de l'Europe. A l'époque, Jean Monnet avait été désigné par Roosevelt comme conseiller politique de Giraud. On parle peu du rôle que joua Jean Monnet en AFN et pourtant c'est vraisemblablement grâce à lui que Charles de Gaulle repris le destin de la France entre ses mains. Mais c'est une autre histoire.
Bien cordialement,
Francis. |