Bonjour,
Le nom du colonel Groussard apparaît dans de nombreux essais, études et biographies traitant des chefs de la guerre de l'ombre et de la Résistance en France et en Suisse. Ce personnage qui s'entoura de mystère était très bien informé. Il fut mêlé, de près ou de loin, à plusieurs affaires qui sont régulièrement débattues dans ce forum.
Par touches successives soulignées chez des auteurs aux thèses parfois contradictoires, se dessine la trajectoire d'un responsable de réseaux qui eut sans doute beaucoup plus de pouvoir que ses mémoires le laissent entendre.
Dans le livre discutable et justement discuté de Jacques Baynac, Les secrets de l'affaire Jean Moulin (Seuil, 1998), on peut lire ceci :
Antoinette Sachs avait été profondément attachée à Jean Moulin et elle en savait long. (...) Non seulement son carnet d'adresses était l'un des meilleurs de Paris, où présidents du Conseil, ministres, élus cotoyaient banquiers, hommes d'affaires et artistes, mais de plus elle avait une sœur, Suzanne Cohn, compagne d'abord, épouse ensuite, du colonel Groussard. Farouche anticommuniste, il avait joué un rôle notoire dans les services secrets d'avant-guerre et, en décembre 1940, naturellement rallié à Vichy, avait procédé à l'arrestation de Pierre Laval. Disgracié, arrêté, Groussard était en 1942 passé en Suisse. Il y avait monté un service de renseignement antigaulliste et giraudiste, sponsorisé par Victor Farrell, consul de Grane-Bretagne à Genève en même temps que chef de l'Intelligence Service pour la région.
En fait, Farrell était l'un des hommes de confiance de Sir Claude Dansey, véritable patron occulte de l'IS et génie personnifié des "coups tordus".
Que Moulin ait été très tôt en relation de grande confiance avec Groussard n'est pas une nouveauté. Dans son premier rapport remis aux Britanniques et à de Gaulle lors de son arrivée à Londres, en octobre 1941, il le mentionne plusieurs fois, précisant : "Je tiens de bonne source qu'il [Groussard] a maintenant abandonné les espoirs qu'il nourrissait au sujet du maréchal. Personnellement, on m'a confié en France la garde d'un dossier très compromettant qu'il a rassemblé sur Pétain et que l'on m'a demandé de publier au cas où quelque chose arriverait à Groussard."
La liaison Moulin-Groussard, c'est une évidence, était faite par Antoinette Sachs et sa sœur, et cette liaison dura jusqu'à la fin. (p.85-86)
Daniel Cordier, dans le volume 1 Jean Moulin, l'inconnu du Panthéon, mentionne qu'au printemps 1941, Jean Moulin avait distingué un certain nombre d'officiers pétainistes, antigaullistes mais patriotes parmi lesquels le colonel Groussard qui avait fait le voyage de Londres pour y chercher de l'aide auprès des services britanniques. En revanche, le scrupuleux biographe n'indique pas le lien par alliance entre le colonel et le préfet.
Quant au maintien d'un contact entre eux "jusqu'à la fin", c'est-à-dire à la descente de Caluire, je n'ai trouvé nulle part ailleurs une confirmation d'une telle connection suivie.
Avant de se décider à partir pour Londres se mettre à la disposition du chef de la France libre, Jean Moulin avait fait un "tour de France" des premiers réseaux et mouvements" pour un état des lieux des forces de la résistance. Il ne pouvait pas ne pas être mis en contact avec Groussard qui venait de prendre ses distances avec la Révolution nationale - mais pas avec Pétain - et avait fondé un réseau de renseignement pro-allié mais antigaulliste.
Alors, si quelqu'un a des éléments sur cette liaison et son rôle ... Merci.
Cordialement,
RC |