Bonsoir,
Si officiellement, la délégation en Suisse doit représenter toutes les forces unies de la résistance intérieure, dans la réalité, à Berne, elle est contrôlée par les représentants de Combat. R. Belot écrit que c'est là "une de ses faiblesses". On comprend que ce monopole politique va servir comme argument à Jean Moulin quand il déclenchera son offensive contre Frenay. Pourtant, la délégation joue le jeu et passe les messages des autres mouvements sans problème. Mais, progressivement, ce "monopole" gêne les autres chefs résistants qui suspectent Frenay et le général Davet d'un manque de transparence.
Pourtant, selon les archives britanniques, Frenay demande le 10 avril s'il peut prendre contact avec l'attaché militaire anglais en Suisse; et il fait état de ce que l'attaché militaire américain à Berne se dit prêt à venir en aide aux mouvements de Résistance. (...) A l'évidence, Frenay a informé Londres de ses démarches. Ce qui paraît étrange, et ce que personne n'a remarqué jusqu'ici, c'est que
Balagny (Pierre de Leusse), le représentant de De Gaulle en Suisse, est informé dès le début avril 1943 des négociations de Combat avec les Américains et qu'il en informe Londres.(p.365)
Et Belot précise qu'il a cherché dans les échanges épistolaires de la délégation des manifestations antigaullistes. En vain.
Si, comme le chercheur le suppose, Bruno de Leusse a bien informé de Gaulle de l'activité de la délégation, on peut se demander pourquoi Jean Moulin n'a pas été prévenu des contacts pris par Frenay avec Dulles après les hésitations anglaises...
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Le biographe du patron de Combat pose ensuite une question essentielle qui n'a pas encore été tranchée, faute d'archives :
Les Américains ont-ils eu le dessein de s'assurer une "mainmise" sur la Résistance ? Ont-ils délibérément tenté d'utiliser la Délégation des MUR en Suisse, et Frenay en particulier, pour mener leur politique antigaulliste ? Notre recherche effectuée dans les archives américaines nous permet de répondre négativement.
Après avoir étudié tous les télégrammes que Dulles envoya à Washington, Belot peut écrire que si l'administration Roosevelt est informée des contacts entre l'OSS-Berne et Combat/MUR, c'est Dulles, en raison de ses liens personnels avec Monod (...) qui est à l'origine de ces contacts. Il n'a pas reçu un ordre de Washington. L'historien précise que Dulles prit sur lui de venir en aide, individuellement d'abord, à des membres de mouvements avant la création des MUR. (le général d'Astier de la Vigerie et Jean-Marie Soutou sont deux bénéficiaires de la manne de l'OSS.)
Si début 1943, Washington encourage Dulles à entretenir de bons contacts avec des représentants de la Résistance, Belot n'a pas relevé d'arrière-pensée politique à ce moment-là.
(A suivre)
Bien cordialement,
RC |