A propos de l'affaire suisse de Combat - Jean Moulin - forum "Livres de guerre"
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Jean Moulin / Daniel Cordier

 

A propos de "l'affaire suisse" de "Combat" de René CLAUDE le mardi 26 octobre 2004 à 01h08

Bonsoir,

Dans sa biographie d'Henri Frenay, Robert Belot consacre un chapitre à l'affaire suisse avec le sous-titre Frenay dans le camp américain ?.

L'accès à des archives inédites lui permet d'apporter un nouvel éclairage sur l'origine d'une crise qui va menacer l'unité de la Résistance à peine esquissée et cristalliser des conceptions opposées au combat clandestin.
Le biographe étudie avec soin la réalité de l'accusation portée par Moulin contre le chef de "Combat" : Henri Frenay a-t-il été une sorte d'agent américain, sous-marin giraudiste, qui aurait trahi la parole donnée au général de Gaulle ?

Robert Belot résume tout d'abord l'histoire de la délégation des MUR en Suisse :
Le jeune avocat Philippe Monod (...), alors remplaçant de Bourdet à la tête du mouvement Combat des Alpes-Maritimes, rencontre fortuitement, au début de novembre 1942, à Cannes, un dénommé Max Shoop. Cet Américain, membre de l'OSS, fut naguère son patron dans un cabinet d'avocats américains où travaillait également Allen Dulles, devenu en 1942 le responsable de l'OSS pour l'Europe, dont le siège est (...) à Berne. Il fait approcher Monod à la fin de janvier 1943 pour lui proposer une collaboration : en fait, "l'établissement d'un contact permanent en Suisse et toute l'aide que nous pouvions désirer" (Claude Bourdet). Monod (...), évoque derechef l'offre devant Frenay, lequel, plein d'enthousiasme, l'envoie à Berne en reconnaissance, en février. (1943). Il revient et réunit Frenay, Bénouville, Bourdet, "Forestier". (p.355-356)

Frenay décide de donner suite. C'est Monod qui est chargé de retourner en Suisse. Il rentre avec une offre de Dulles :
En échange d'un financement conséquent, de matériel et de moyens de diffusion, la Résistance apporte en Suisse des renseignements militaires.
Cette offre est faite, il ne faut pas l'oublier, à un moment de grande tension entre de Gaulle et Washington et durant une période cruciale où les divisions internes secouent les MUR, certains chefs remettant en cause le rôle de Jean Moulin qui rame depuis des mois afin de présenter un front uni derrière le Connétable face aux Alliés.

Sur ce débarque Pierre (Guillain) de Bénouville.
Robert Belot :
C'est un ancien Camelot du roi (note de R. : troupes de choc de l'Action française), qui a fait passer son patriotisme avant ses préférences idéologiques. (...) Après une année oì il signe dans le journal pétainiste "L'Alerte", il entre au réseau proanglais et antigaulliste Radio-Patrie dirigé par "Carte" (André Girard).
Note de R : l'action sur le terrain de "Carte" est objet de discussions entre spécialistes.
Dans ce cadre, il a déjà établi des échanges réguliers avec la Suisse et noué des liens solides avec les services secrets helvétiques.(...)
Dès janvier 1943, Frenay lui demande de passer en Suisse pour convaincre les représentants britanniques de lui assurer une liaison avec Londres. Visiblement, "Lahire" (Bénouville) n'est pas très heureux de ce contact britannique. Une exploration dans les archives de Sa Majesté nous a permis de constater que Combat, sur la requête du CD MUR, a tenté un montage financier par la Suisse pour obtenir des transferts de fonds plus rapides. Le premier télégramme relatif à cette affaire est daté du 19 février 1943.C'est le consul anglais de Genève qui était dans la confidence. Il est même prévu qu'un compte soit ouvert dans une banque suisse qui porte le nom d'un pseudonyme de "Rex" : "Geneviève" !

On apprend aussi que les représentants de Combat ont proposé de passer par l'attaché militaire anglais à Berne pour transmettre les messages de la Résistance.
Voilà qui modifie déjà la lecture de l'affaire suisse...

Et Belot d'écrire encore :
Ainsi, il est avéré que le contact avec la Suisse a pour origine exclusive (?) le problème de financement et des transmissions, et non pas une volonté politique de s'accoquiner avec les Américains pour monter une opération antigaulliste. Ce sont les Anglais qui sont sollicités et Londres n'est pas tenu à l'écart. Le refus britannique ouvre la voie aux Américains. (p. 358)

Après l'impasse britannique, le coup de sonde de Dulles par Shoop est un contact à entretenir à un moment où les maquis grandissent militairement et demandent des fonds et des armes.

Bien cordialement,

RC

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