Dans son livre “ Servir ”, page 19, le général Gamelin énumère la cascade de délégations de pouvoir à la tête de l’Armée en juin 40 : au général Georges auquel il avait délégué le commandement de l’armée du Nord-Est c’est à dire l’ensemble du front franco-allemand, il confia le commandement des opérations de l’armée belge et de l’armée britannique.
Le général Georges à son tour avait délégué ses pouvoirs au général Billotte pour les 7ème, 1ère, 9ème et 2ème armées c’est à dire toute la ligne de front entre la ligne Maginot (Longwy) et la Manche. Ceci est connu mais ce sur quoi notre attention ne s’est pas trop arrêtée, est cette petite phrase page 21 du même livre : “
j’espérais, dit Gamelin, que la dépression que je constatais chez le général Georges – et que je n’étais pas seul à remarquer- serait passagère ”
Ainsi dans cette chaîne de délégation de commandement effarante, il y avait en plus un maillon manquant, celui du général Georges. Ce général présentait donc une dépression nerveuse qui n’était pas masquée à son entourage. Un général comme tous les autres citoyens en dépression nerveuse est inapte à assurer ses fonctions. Un des signes cardinaux de la dépression nerveuse n’est-il pas le manque d’envie d’entreprendre. Nous saisissons mieux la passivité du commandement devant cette situation exceptionnelle que nous avait offert le corps blindé allemand : À partir du 18 mai les Panzers s’étaient dangereusement (pour eux) étirés d’est en ouest sur plus de 100 km entre la Meuse et Abbeville qu’ils atteignaient le 24, sans vraiment occuper le terrain car précédant et de loin leur infanterie, exposant leur flanc gauche à plusieurs centaines de milliers d’homme de l’armée française. Peu de réaction. Nous comprenons mieux quand nous apprenons que le général Georges faisait une dépression nerveuse. Nous avons eu dans notre histoire des stratèges qui aurait pu régler une telle situation. Cet étirement des panzers sous-entend des problèmes de logistique (le carburant) que les Allemands ont pu résoudre par la passivité de notre commandement. Bonaparte n’aurait fait qu’une bouchée de ces imprudents. En septembre 1914 Joffre avec l’aide des politiques avait su “limoger” 100 vieux généraux de temps de paix lorsque les Allemands arrivaient sur la Marne. Le 19 mai 1940, le pouvoir politique remplace le vieux général en chef par un vieux général qui ne vaut pas mieux et il choisit pour ce faire justement ce moment critique du 19 mai où il aurait fallu mettre sur pied en 1 ou 2 jours un violent coup de boutoir sur le tiers arrière de cette colonne de Panzers pour couper son cordon ombilical. Ce qui a été fait était complètement insuffisant.
Gamelin était fidèle à lui-même. Beaufre relève une parole ahurissante entendue de Gamelin lors d’une réunion du haut-état-major :“
Sans vouloir me mêler de la conduite de la bataille…”
mais il l’a confirmée dans son livre à plusieurs reprises. Par exemple page 3 dans son instruction personnelle et secrète N° 12 : “
Sans vouloir intervenir dans la conduite de la bataille en cours…”. Incroyable. En somme ce général en chef, très urbain, arrivait sur la pointe des pieds sans vouloir déranger et en s’excusant et il est parti de même le 19 mai.
Autre curiosité et incohérence concernant Gamelin page VII de l’introduction : “ Peu avant l’ouverture du procès (de Riom), nous fûmes condamnés par le chef de l’état (Pétain) sans même avoir été entendus”. Et page IX :“Je demande aux deux maîtres du barreau, mes défenseurs, de bien vouloir imiter mon silence…”
Ainsi tout doucement les uns et les autres sur ce Forum, nous bouclons en toute modestie le dossier : volatilité irresponsable des politiciens dans la préparation de la guerre, nullité du haut-état-major, détermination et motivation insuffisante des citoyens français à l’approche d’un cataclysme, armement non adapté. Ainsi sonna en 1940 le début de la fin de l’Empire français. La France traditionnelle n’est plus. Alors vive l’Europe !