Bonjour,
Jusqu'au bout, l'administration Roosevelt, président en tête, tenta de monter des combinaisons improbables avec le gouvernement crépusculaire de Pétain pour empêcher de Gaulle de prendre le pouvoir à la Libération et barrer la route aux communistes.
Pour Roosevelt, tout le monde pouvait prétendre s'emparer du pouvoir, sauf le créateur de la France libre et bien sûr les communistes. (Une attitude curieuse chez un homme qui avait fait confiance à Staline...)
Comme l'écrit Maurice Rajsfus, mis à part leurs rejets - les communistes et de Gaulle - les Américains se souciaient comme d'une guigne de la nature de pouvoir mis en place après leur arrivée à Paris. Pour eux, l'essentiel était d'imposer l'AMGOT (Allied Military Government Occupied Territories), comme c'était déjà le cas en Italie du Sud depuis l'automne 1943. Dans cette perspective, peu importait la qualité du personnel politique autochtone, dès lors qu'il se plierait à leurs décisions.
Pétain sauta sur l'opportunité - il avait conservé un lien discret et direct avec Roosevelt via le représentant naval vichyste à Berne - pour tenter un ultime coup. Ce qui me fait dire qu'il avait encore toute sa tête à l'été 44.
Rajsfus :
En fait Vichy et la diplomatie américaine - même après le débarquement en Afrique du Nord, et le départ de la représentation américaine à Vichy.(...) S'agit-il d'un espoir insensé pour ce vieillard âgé de quatre-vingt-huit ans, ou pour son entourage, encore persuadé de trouver une solution acceptable permettant leur survie politique ?(...) Cette approche de la politique américaine fait fi également du rôle de la Résistance et le rétablissement d'institutions semblables à celles de la IIIe République ne pose aucun problème particulier à Roosevelt.
C'est dans ce climat qu'intervient la grande idée de Pétain - que lui a soufflée Pierre Laval - convoquer l'Assemblée nationale, congédiée par ses soins le 10 juillet 1940. Tous ceux des hommes politiques qui craignent désormais la Résistance, pour ce qu'elle risque de représenter à brève échéance, sont en émoi. (...)Robert Paxton rappelle, utilement, que Pétain avait chargé l'un de ses proches, l'amiral Auphan, d'approcher de Gaulle pour tenter de négocier une "solution politique". (...) Ce qui est en cause n'est pas tellement "la guerre civile" mais la crainte de voir les FTP prendre tout ou partie du pouvoir. Cette démarche fera long feu.
Maurice Rajsfus, "La Libération inconnue", le cherche midi éditeur, 2004.
Bien cordialement,
RC |