Bonjour,
La grande force de Pétain et de ses collaborateurs à Vichy consista à vouloir persuader TOUS les Français que le nouvel Etat (croupion) fondé sur la débâcle, la défaite et l'armistice était indépendant. Une propagande assez habile, relayée par toutes les institutions et les Corps constitués, a maintenu longtemps la majeure partie du pays dans cette illusion collective nationale. (au moins jusqu'en 1943)
Celles et ceux qui ont su appréhender - plus ou moins rapidement - la réalité politique du régime ont compris que le Reich d'Hitler et sa création, cet Etat de Pétain, étaient indissociables. Ils ne furent pas nombreux, mais leur vision pionnière fit florès. Chez la majorité des (futurs) résistants intérieurs - de l'extrême droite à l'extrême gauche - une période de désintoxication des effets de la dictature de Pétain et de sa "révolution nationale" fut indispensable et souvent douloureuse. C'était le prix moral à payer afin d'être avertis sur la vraie nature de l'Etat français créé par la volonté d'Hitler.
Dès lors, résister au nazisme signifiait aussi le refus sans concession de Vichy. (Des passerelles ont bien sûr existé, mais ceux qui les posèrent et les utilisèrent à des fins de renseignements et d'action étaient lucides quant à la nocivité de Vichy. Frayer avec ses ennemis pour en obtenir avantages et infos est une nécessité en temps de guerre.)
A ce propos, je suis de moins en moins convaincu par le concept de "vichysto-résistant". Les partisans de Pétain qui ont combattu avec les Alliés à partir de l'été 1943 sont souvent restés vichystes jusqu'à la fin de la guerre et parfois bien au-delà.
Etre "anti-boche" à Vichy ne signifiait nulllement être contre Pétain et ne pouvait être considéré comme un brevet de résistance.
Les résistants intérieurs et extérieurs, quelque soit leur origine politique furent celles et ceux qui avaient compris la réalité du grand leurre servi aux Français par la volonté d'Hitler qui délégua à Pétain et à ses ministres et secrétaires d'Etat la répression politique afin d'exploiter le pays sans heurt. Durant deux ans, à quelques exceptions près, ça fonctionna plutôt bien.
Pour revenir à votre remarque, les noyaux des premiers réseaux étaient formés de gens issus de toutes les tendances politiques d'avant-guerre.
Au départ, en 1940-1941, rien ne liait idéologiquement un Pierre de Bénouville et un Raymond Aubrac, un Daniel Cordier et un Stéphane Hessel, un Emmanuel d'Astier et un Serge Ravanel, un Brossolette et un Passy, rien si ce n'est cet esprit de Résistance à l'Allemagne nazie, bientôt doublé d'une résistance à l'Etat français, ce double refus dont parle Jacques.
Bien cordialement,
RC |