Bonsoir,
Laurent ne manque jamais de nous surprendre en proposant des livres porteurs de débats passionnants sur des aspects méconnus des conflits contemporains.
La collaboration économique est un de ces aspect sur lequel fut jeté un voile pudique. On peut le comprendre ne fut-ce que pour deux raisons: pendant la guerre, la plupart des entreprises ont continué à fonctionner pour fournir travail et salaire à leur personnel sans trop se préoccuper de la destination finale de leur production; à la Libération, il était indispensable de reconstruire le pays avec le concours indispensable de l'appareil de production. In fine, l'épuration n'a frappé que quelques entreprises trop compromises et, le plus souvent, à titre exemplaire.
Accordons-nous un moment de détente. Chacun connaît mon goût des anecdotes. En voilà une qui justifie le titre de la contribution. Tout comme en France, les entreprises belges ont collaboré à l'effort de guerre des Allemands. A cette différence toutefois que les grandes entreprises belges étaient sous tutelle de l'occupant et se sont vues flanquées d'un administrateur chargé de contrôler les activités. Les Belges étant d'un naturel frondeur, tous les moyens étaient bons pour rouler ce contrôleur. Ainsi, le Crédit Communal de Belgique, la banque des communes et des provinces (des municipalités dirait-on en France) dont les activités étaient forcément réduites, risquait de devenir un réservoir d'un recrutement forcé pour le TO (1) en Allemagne. Conscient du danger qui planait sur le personnel de la banque, la direction fit mettre le maximum de monde au travail en leur faisant calculer les fameuses tables d'annuités à 16 décimales (2), uniques au monde et qui, après la guerre, connut un succès exceptionnel tant à l'étranger qu'en Belgique. A l'époque, bien avant les ordinateurs, ce travail était monumental pour ne pas dire titanesque. On raconte que l'administrateur allemand fut piqué au jeu et en devint le plus chaud partisan.
Bien cordialement,
Francis.
(1) TO : travail obligatoire. En France on dit le STO.
(2) table d'annuités: Pour un montant emprunté à un taux donné, le calcul des sommes échues en capital et en intérêts sur une période donnée. Les financiers ou les banquiers pourront confirmer que le calcul d'annuités constantes, par exemple, - à 2 décimales seulement - n'est pas une mince affaire.
Ces fameuses tables à 16 décimales ont servi au USA pour vérifier l'exactitude des calculs des premiers processeurs informatiques. |