Encore une erreur de conception de nos états-majors : “ casser du Viet ”. Le principe consistait à attirer le corps de bataille viet sur un “ hérisson” et d’en détruire la plus grande part grâce à notre puissance de feu. Mais lors de la saison des pluies qui suivait, les effectifs viets se recomplétaient. En effet il n’était pas nécessaire pour les chefs militaires viets que leurs effectifs s’accroissent indéfiniment. Lorsque nous alignions 6 000 hommes, par exemple lors de l’affaire de Cao Bang (voir mon livre,), eux en avançaient 25 000. Lors de la bataille de la Rivière Noire et d’ Hoa Binh, ils en opposaient 40 000 (3 divisions) à 20 000 des nôtres. Un an après Na San, ils présentaient 60 000 hommes autour de Dien Bien phu. Ils n’avaient qu’à pomper dans la masse inépuisable que constituait la population mâle du Tonkin en âge de combattre : sur un total d’environ 22 millions d’habitants à l’époque pour l’ensemble du Vietnam, soit environ 10 à 12 millions au Tonkin, ils pouvaient compter au Nord sur un réservoir d’au moins 2 millions de mâles en état de combattre. Or la masse critique au-delà de laquelle ils pouvaient battre l’armée française dans tous les cas de figure était de 80 à 100 000 bodoïs. En effet nous n’avons pas extrait de notre maillage total de l’Indochine plus de 15 à 20 000 hommes à la fois, pour monter les grands coups, Nasan, Dien Bien Phu, Atlante etc…Nous ne pouvions pas gagner en l’état où nous trouvions à l’époque. C’est ce que m’ont dit fort justement des colonels viets avec lesquels je me suis entretenu quand je préparais mon livre. C’est sans doute la raison de l’appréhension manifestée par Ho chi Minh que l’on envoie le contingent en Indo, menace proférée, paraît-il, par Mendès-France comme un coup de poker dans les pourparlers à Genève ? De ce coté là, les viets ne croyaient pas que cela puisse se produire mais n’en étaient pas certains. |