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Le siècle des intellectuels

Michel Winock

Bonjour - bonsoir,

La France est le pays qui a en quelque sorte "inventé" la classe des intellectuels. Cette affirmation peut sembler présomptueuse et excessive, il n'empêche : durant le XXe siècle, aucun autre pays n'a autant sollicité ses chercheurs, ses philosophes et ses écrivains que la France pour apporter des réponses aux grands problèmes et aux crises qui bouleversèrent l'Europe.
Michel Winock enseigne l'histoire contemporaine à Sciences po. Il est passionné par l'histoire des idéologies et par l'étude de l'influence qu'eurent les maîtres penseurs sur leur époque. Il a divisé son essai en trois grands mouvements (d'idées !): les années Barrès, les années Gide et les années Sartre , trois influences majeures qui couvrent le siècle, de l'affaire Dreyfus aux engagements gauchistes et humanitaires de Sartre et d'Aron.
Durant la Première guerre, les "poilus" ,exaspérés par les hymnes patriotiques de Barrès, le tournaient en dérision dans des feuilles de tranchées: c'est là qu'il acquit le terrible sobriquet de "rossignol des charniers", tant ses appels étaient déplacés pour ces hommes qui risquaient leur peau en pataugeant dans le sang et l'immondice depuis des années. Et pourtant, Barrès fut l'un des maîtres à penser des jeunes Malraux et Aragon, un Aragon qui "tua" le père spirituel avec ses complices surréalistes lors des fameux procès du groupe contre ceux qu'ils nommaient les baudruches : A.France, M.Barrès et quelques autres gloires nationales des lettres.
Durant les années trentes, les services de Goebbels suivaient de très près les débats qui rassemblaient et divisaient les intellectuels français, allant jusqu'à affirmer que la fameuse et brillante NRF publiée par Gallimard était un des pouvoirs réels avec le parti communiste et les grandes banques... Hitler ordonna à Abetz de préparer le terrain pour, une fois la France vaincue, mettre au pas ces travailleurs de l'esprit en leur donnant l'illusion d'une marge de manoeuvre suffisante pour leur permettre de poursuivre leur activité sans mettre en cause la présence nazie en France. A la Libération, de Gaulle dût résoudre très vite le problème de l'allocation du papier aux nombreux journaux issus de la Résistance. Leurs animateurs (Aragon, Camus, Malraux, Sartre, Mauriac, Vercors,...) étaient impatients de reprendre le débat politique publiquement après quatre années de silence, de compromis ou d'écrits clandestins. Les procès de l'épuration des écrivains et des intellectuels pour trahison et collaboration firent et font encore couler beaucoup d'encre, ce qui est significatif de l'importance accordée par les Français de toutes classes aux engagements de ceux qui vivent de leurs recherches et de leurs écrits.
Durant la guerre d'Algérie appels et contre-appels signés par les penseurs et auteurs les plus célèbres, à gauche comme à droite, étaient commentés et critiqués avec passion. Les signataires de l'appel à l'insoummission dit "Manifeste des 121" eurent à subir la colère du Connétable et sa censure ! Sans oublier le rôle des intellectuels durant mai 68 et les années de remise en question qui suivirent...
Tout cela m'a poussé à déposer cet essai brillant de Michel Winock qui nous propose une histoire du XXe siècle vue à travers les débats et les engagements des intellectuels français.

Amicalement,

René Claude

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