le Glossaire de Francis n'a rien trouvé dans : Et Goethe, alors ? de Medonje (Snezana et Srdjan) le jeudi 09 octobre 2003 à 19h05Bonjour !
Connaissez-vous Goethe ?
En tout cas, à Sacramento (Californie), tout le monde connaît Charles M. Goethe (prononcer Go-e-the, en faisant sonner le "th" interdental), tout simplement parce qu'il est impossible d'y échapper.
Ce banquier philanthrope a en effet fait de nombreux dons à sa ville, qui l'a remercié en donnant on nom à plusieurs lieux publics et institutions.
Philanthrope, Charles M. Goethe aimait les hommes.
Oui, mais pas tous !
Ainsi, il susurrait, en 1929, que le Mexicain est "eugenically as low-powered as the Negro."
Et il continuait dans les douceurs : "He not only does not understand health rules: being a superstitious savage, he resists them."
(citations tirées de la déclaration de Tony Platt devant le Sénat de Californie qui, il y a quelques mois, examinait la politique eugénique menée dans cet état jusque dans les années 60 : )
Mais, Charles M. Goethe n'était pas un hurluberlu isolé. Il existait à l'époque aux Etats-Unis un fort courant eugéniste regroupant bon nombre de personnalités du monde des finances et de l'intelligentsia (dont Robert Millikan, le physicien, auteur d'une expérience célèbre pour la mesure de la charge de l'électron).
C'est que l'eugénisme était à la fois ancien et accepté comme ayant des fondements scientifiques.
Ancien, puisque, dès 1907, l'Indiana adoptait une loi sur la stérilisation. (Précisons que, en 1928, le canton de Vaud fut le premier en Europe a adopter une loi similaire).
Quant à la base scientifique, elle remonte très indirectement à Darwin, par l'intermédiaire d'un personnage à la fois connu et oublié du XIXe siècle, un cousin de Darwin précisément, du nom de Francis Galton, dont la vie et l'œuvre quasi entière, qui va bien au-delà de l'eugénisme, se retrouvent à l'adresse suivante :
Ainsi Alexis Carrel se place à une époque où l'eugénisme n'était pas mal vu, même des courants progressistes, qui y voyaient un moyen d'améliorer la vie de l'homme. Et l'on trouve aussi, dans les mouvements eugénistes, des rabbins...
C'est sous cet éclairage qu'il faut lire le "Brave New Word" où Aldoux Huxley mêle, dans sa vision horrifiée, l'eugénisme radical et la Ford T.
Remarquons que tout cela ne fut pas que des mots et que la stérilisation forcée fut pratiquée aux Etats-Unis jusqu'aux années 60 (voir la déposition de Tony Platt signalée plus haut).
Cet eugénisme américain inspira fortement Hitler (comme, sans doute, la Ford T lui inspira la Volkswagen).
Mais l'élève ne tarda pas à dépasser le maître.
Et nous retrouvons notre cher Goethe (Charles M.), qui, en 1935, loue la Human Betterment Foundation pour "shaping the opinions of the group of intellectuals who are behind Hitler…".
Mais, il est aussi un peu triste, Charles M. Goethe, parce qu'il doit reconnaître que "even California's quarter century record has, in two years, been outdistanced by Germany."
(sur les rapports entre l'eugénisme américain et l'eugénisme nazi, voir :
dont ces dernières citations sont tirées).
Pour une vue d'ensemble rapide, avec des indications sur les ambiguïtés du mouvement et surtout de sa mémoire, voir aussi :
Isolé, Carrel ? Pas du tout, un savant se plaçant dans le droit fil de l'histoire telle qu'elle était vue par un large mouvement recrutant largement dans les élites.
Pas très gai, tout ça.
Cordialement
Srdjan *** / *** |