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Cinquante idées reçues sur la Shoah - Tome I - Marc-André Charguéraud
La description du sujet




Remarque :

Pour que le Glossaire trouve un sigle, il doit être écrit en majuscules

Pour qu'il trouve un mot, il doit ètre orthographié et accentué correctement

§:c (

 

le Glossaire de Francis a trouvé :


Anschluss - Allemagne nazie
-

"Rattachement". Dans la terminologie de l'Allemagne nazie, l'Anschluss signifie le rattachement de l'Autriche à l'Allemagne en mars 1938.


R - Résistance (France)
-

Dans le cadre de l'organisation de la Résistance, la lettre R suivie de 1 à 6 indiquait une région de la zone Sud (zone non occupée jusqu'en 1942).
R1 : Région Rhône-Alpes (centre Lyon).
R2 : Région Provence-Côte d'Azur (centre Marseille).
R3 : Région Languedoc-Roussillon (centre Montpellier).
R4 : Région du Sud-Ouest (centre Toulouse).
R5 : Région de Limoges (centre Brives puis Limoges).
R6 : Région de l'Auvergne (centre Clermont-Ferrand).

En zone Nord occupée, les régions étaient définies par les simples lettres : P - A - B - C - D - M
(voir "zone")

Dans ce texte :

1938-1939. Le scandaleux « J » sur les Cartes d’identité des Juifs allemands et autrichiens de F.Deleu le mardi 03 mai 2022 à 20h34

Bonsoir,

Nous tenons à remercier Marc-André Charguéraud pour tous les articles qu’il nous confie chaque mois depuis plusieurs années. Ce mois-ci il nous propose une analyse, rarement abordée, d’une décision de la Suède qui, à l’instar de la Suisse, imposa le tampon « J » sur le carte d’identité des Juifs allemands et autrichiens.

***********************

De l’art de la Suisse de s’infliger une mesure inutile, déshonorante et éphémère. Pourquoi ne parle-t-on jamais de la Suède qui dans les mêmes conditions a pris des mesures identiques et les a appliqués pendant de long mois ?

1938-1939. L’inutile et scandaleux « J » sur les Cartes d’identité des Juifs allemands et autrichiens.

Ce « J » a été condamné à juste titre par les historiens. On sera peut-être surpris d’apprendre que la Suède doit en être blâmée comme la Suisse. A tort les reproches s’adressent uniquement à la Suisse, très rarement à la Suède. Certes le nombre de Juifs concernés est beaucoup plus élevé en Suisse. Ce pays a des frontières communes avec les pays d’origine des Juifs concernés. La Suède, elle, est séparée du Reich par la Baltique. Mais quel que soit le nombre des Juifs victimes de ces mesures, sur le plan moral les deux pays ont failli de la même façon. Ils doivent être accusés l’un comme l’autre.

Depuis 1920 en Suède comme depuis 1926 en Suisse les citoyens allemands peuvent entrer librement, sans visa, sans formalités, ce qui toutefois ne leur donne pas le droit d’y résider de façon permanente, mais peu leur assurer un asile provisoire.[1] Ce système libéral a assez bien fonctionné, car les départs de Juifs d’Allemagne ont été échelonnés sur plusieurs années, ce qui a permis aux pays d’accueil d’éviter des arrivées massives de réfugiés.

A la suite de l’Anschluss, le rattachement de l’Autriche à l’Allemagne en mars 1938, une ordonnance allemande du 22 juillet 1938 prescrit le remplacement des passeports autrichiens par des passeports allemands avec effet le 15 août. [2] Devenus Allemands, les Juifs autrichiens n’ont plus besoin de visa comme c’était le cas auparavant. L’exode massif autrichien change la donne. En quelques semaines, des dizaines de milliers de Juifs sont précipités sur les routes de l’exode par de féroces persécutions. Pour endiguer ce flot d’arrivées, Berne et Stockholm envisagent alors d’imposer un visa à l’ensemble de la population du Reich. Cette solution est rejetée de part et d’autre afin de ne pas ralentir les mouvements d’hommes d’affaires, de touristes et aussi d’agents de renseignement, disent certains. Une difficulté que ne rencontre pas la Grande-Bretagne, car contrairement à la Suisse et à la Suède, ses relations commerciales et touristiques avec l’Allemagne ne sont que marginales. Malgré la politique « d’apaisement » du premier ministre Neville Chamberlin, Londres a donc imposé un visa à tous les ressortissants du Reich dès le début 1938.[3]

Suisses et Suédois envoient chacun de leur côté une délégation à Berlin pour trouver une solution. Ce sera pour les deux pays un grand « J » rouge apposé par les autorités du Reich sur les passeports des Juifs. Le Conseil Fédéral suisse approuve cette mesure le 4 octobre 1938. [4] Les Suédois de leur côté signent un accord identique avec Berlin le 8 octobre 1938, quatre jours après les Suisses. [5] Heinrich Rothmund, le chef de la police fédérale suisse dont l’attitude très négative envers les Juifs a été critiquée à juste titre, avait cependant recommandé au Conseil Fédéral de ne pas approuver cet accord. Il était conscient du caractère insoutenable du marquage des passeports des Juifs allemands. Il écrivait : « Nous risquons de nous mettre à dos tout le monde civilisé ».[6] Le Conseil fédéral ne l’a pas suivi.

Le « J » a permis aux douanes des deux pays d’identifier les Juifs se présentant aux frontières et de les refouler si au préalable un consulat ne leur a pas délivré « une garantie de séjour en Suisse ou de transit par la Suisse » [7] et plus simplement un visa d’entrée pour la Suède. Cette discrimination détestable des Juifs pouvait être évitée.

Le plus simple était de suivre l’exemple des Pays-Bas, pragmatique mais très questionnable sur le plan moral. Le gouvernement avait envisagé l’introduction du visa pour tous. Devant l’opposition catégorique de Berlin, La Haye décida de surmonter les difficultés par un contrôle plus rigoureux aux frontières et un refoulement impitoyable de tous les « éléments indésirables. » [8] Une pratique condamnable mais dont personne n’accuse la Hollande aujourd’hui. Cette politique n’offre pas toutes les garanties, mais résout momentanément le problème et évite négociations et mesures administratives radicales.

Pourquoi ne pas avoir utilisé la carte d’identité ( Kennkarten ) rendue obligatoire pour tous les citoyens du Reich par une ordonnance allemande du 22 juillet 1938 ? L’origine juive du titulaire est signalée sur cette carte, qui devait être présentée en toutes circonstances. [9] Ne suffisait-il pas au consul ou aux garde-frontières, qui veut s’assurer que le possesseur du passeport n’est pas juif, de simplement lui demander sa Kennkarte ? On évitait ainsi une faute politique grave sans toutefois éviter une faute morale insoutenable.

Les Allemands vont compléter ce mode d’identification. Le 17 août ils décident qu’à partir du 1er janvier 1939, tous les Juifs, dont les noms ne figurent pas sur une liste de noms juifs préétablie, devront ajouter les prénoms Israël pour les hommes et Sarah pour les femmes sur leurs documents d’identité. [10] Pourquoi ce décret publié à la mi-août par le ministère de l’Intérieur de Berlin n’a-t-il pas été pris en compte par les négociateurs suisses et suédois ? Avec quelques semaines de retard l’Allemagne nazie identifie sans équivoque les passeports appartenant aux Juifs. Le scandaleux problème du « marquage » des Juifs aurait été institué par les Allemands sans la participation coupable des deux gouvernements.

Dans le cas de la Suisse ce fut un acte infâmant inutile. Trois mois et demi après avoir promulgué le « J », le 20 janvier 1939, ce même Conseil fédéral rétablit le visa pour tous les immigrants avec ou sans « J » sur leur passeport sous peine de refoulement. [11] Il aurait pu faire l’économie du « J » en rétablissant le visa dès octobre 1938. Le marquage odieux des Juifs n’a donc été utile à la Suisse que pendant quelques semaines.

A partir de 1938, l’année du « J », quatre pays d’asile accueillent presque les deux tiers des réfugiés juifs. [12] Dans ces pays les refus de visas ne sont pas liés à l’origine juive du postulant. En Palestine, les restrictions à l’immigration sont dues aux quotas institués par le livre blanc britannique. Aux Etats-Unis, malgré un antisémitisme parfois agressif qui empoisonne la société américaine, [13] les empêchements résultent de la politique américaine des quotas, de la capacité financière des immigrants et de la nationalité des candidats. En Grande-Bretagne, les victimes de persécutions religieuses ou politiques ou les personnes dont la vie est en danger sont acceptées à condition qu’elles puissent justifier de moyens de subsistance.[14]

Les barrières dressées par la plupart des pays d’accueil ont été pour de nombreux fugitifs juifs un obstacle sérieux à l’immigration. Ils ont tous été coupables. Or, à partir de 1938, les Juifs sont réduits à l’état de « mort sociaux » par les nazis et sont obligés de fuir leur pays.

Copyright Marc-André Charguéraud Genève 2022
________________________________________

[1] Pour les sources concernant la Suède se référer à LEVINE, p. 104 à 106. KOBLIK, p. 53 à 56.
[2] LUDWIG, p. 73.
[3] « Apaisement », une politique de concessions devant les exigences du Führer.
[4] PICARD. Le Conseil fédéral approuve l’accord du 29 septembre 1938 qui oblige le gouvernement allemand à munir les passeports des ressortissants du Reich de race juive d’un signe distinctif.
[5] KREIS, p. 106 et 159.
[6] BERGIER, Dir. 1999, p. 81. Lettre de Rothmund à Baumann du 15 septembre 1938. Rothmund n’en reste pas moins contre l’arrivée des réfugiés et des Juifs en particulier. Il écrit le 27 janvier 1939 : « Nous n’avons pas lutté pendant vingt ans (...) contre la surpopulation et en particulier contre la judéification de la Suisse, pour nous laisser aujourd’hui déborder par les émigrants. »
[7] BOURGEOIS, p. 190.
[8] LUDWIG, p. 90. « éléments indésirables », un euphémisme qui s’applique principalement aux Juifs que l’on évite ainsi de nommer.
[9] IBID, p. 21.
[10] FRIEDLANDER, 1997 p. 254.
[11] LASSERRE. p. 66. Le 3 septembre 1939, date du début de la guerre, Berne imposera le visa pour toute personne désirant se rendre en Suisse
[12] CHARGUERAUD. 1998, p. 193. Sur 377 000 Juifs qui partirent de 1938 à fin 1941, 222 000 soit 60% trouvèrent refuge aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Palestine (et à Shanghai ).
[13] IBID,, sur le sujet voir le chapitre 4, p. 57 : « Un antisémitisme viscéral ».
[14] GROSSMANN, p. 19, citant la loi de 1905 sur l’immigration en Grande-Bretagne.

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