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Ce travail offre des aperçus non seulement sur la Seconde Guerre mondiale et ses conséquences jusqu'à nos jours, mais sur la vie intellectuelle et politique françaises, ainsi que sur la psychanalyse, version lacanienne.
La quatrième de couv', vraisemblablement due à l'auteur lui-même, résume fort bien le propos :
"Le couple problème/solution a déterminé l’histoire du nom juif en Europe. Le nazisme n’a fait qu’en disposer la forme ultime. L’Europe ne peut pas feindre l’ignorance. D’autant moins que son unification, tant admirée, est la conséquence directe de l’opération hitlérienne. Car il faut conclure. Dans l’espace que dominait Hitler, c’est-à-dire sur la quasi-totalité de l’Europe continentale, l’extermination des juifs a été accomplie. Ce que les experts politiques, depuis 1815, tenaient pour un problème difficile à résoudre avait, du même coup, disparu - en fumée. Les choses sérieuses pouvaient commencer.
Aujourd’hui, le chemin est parcouru. L’Europe est présente au monde, au point de s’y arroger des missions. Une entre autres : faire régner la paix entre les hommes de bonne volonté. De ces derniers, cependant, les juifs ne font pas partie. C’est qu’ils portent en eux la marque ineffaçable de la guerre. L’Europe, héroïne de la paix en tous lieux, ne peut que se défier d’eux, où qu’ils soient. Elle ne peut qu’être profondément anti-juive. Les porteurs du nom juif devraient s’interroger. Depuis l’ère des Lumières, ils s’étaient pensés en fonction de l’Europe. La persistance du nom juif au travers de l’histoire, la continuité des haines qu’il soulevait, tout cela devait trouver une explication dont les termes soient acceptables par l’Europe. Si celle-ci a basculé dans un antijudaïsme de structure, alors tout doit être repris depui le début. Comment le nom juif a-t-il persisté ? Par un support à la fois matériel et littéral dont l’Europe ne veut rien savoir : la continuité de l’étude. Comment l’étude a-t-elle continué ? Par une voie dont l’Europe moderne ne veut rien savoir : la décision des parents que leur enfant aille vers l’étude. Pourquoi la haine ? Parce qu’en dernière instance, le nom juif, dans ses continuités, rassemble les quatre termes que l’humanité de l’avenir souhaite vider de tout sens : homme/femme/parents/enfant."
On aura compris que le livre était assez ouvertement sioniste (Milner a, ailleurs, fait de grands éloges de Pierre Victor alias Benny Lévy, un autre normalien ex-mao, et ex-secrétaire de Sartre, qui a fini en Israël dans la peau d'un docteur juif), et qu'il prenait sur les problèmes actuels de la planète des positions d'une douceur toute relative.
Sur Hitler, on peut le classer dans la catégorie de l'hyper-fonctionnalisme... à ceci près qu'il est assez inclassable. Car contrairement aux fonctionnalistes il attribue beaucoup de ruse et d'influence au Führer. Mais il rejoint et dépasse un Goldhagen -l'homme qui montrait une peuple allemand brûlant depuis l'origine de tuer les Juifs et n'attendant qu'un signal- en attribuant au massacre une fonction de révélateur de la vérité de l'Europe entière.